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2023/2 Recht auf Zugang

L’accès aux dossiers patients, en cours ou archivés

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Les dossiers patients contiennent des nombreuses données sensibles et sont soumis au secret professionnel. Leur consultation obéit donc à des règles strictes, même au-delà du décès de la personne concernée.

L’autrice de cet article a eu l’occasion d’étudier la législation en la matière de cinq cantons (BE, BS, GE, VD, ZH) dans le cadre de son travail de master. Cet article en est un petit résumé. Les références précises des textes de loi figurent de manière détaillée dans le travail de master. 

Les prestataires de soins, qu’il s’agisse de médecins indépendants ou d’hôpitaux, ont l’obligation de consigner, par ordre chronologique, les aspects importants de toute relation thérapeutique : anamnèse, diagnostique, thérapies, documents transmis par des tiers, résultats de laboratoire, images radiographiques, etc. Cette obligation figure dans les lois sur la santé cantonales. Le dossier patient constitué par toutes ces informations, qu’il soit papier ou électronique, suit un cycle de vie selon les règles de gestion en vigueur et est donc archivé à un moment donné. Généralement, la durée de conservation fixée est de 10, voire 20 ans ; selon les spécialités médicales, elle peut être beaucoup plus longue. Ensuite, pour les hôpitaux publics soumis à la législation cantonale sur l’archivage, un échantillon des dossiers est transmis aux Archives d’État.

Concernant la consultation de ces dossiers, il faut distinguer celle par la patiente ou le patient lui-même d’une consultation par une tierce personne, ce deuxième cas étant par ailleurs subdivisé en différents cas de figure.

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Accès par la personne dont c’est le dossier 

Dans l’ensemble des cantons examinés, la patiente a le droit de consulter son propre dossier et de se faire expliquer son contenu. Pour ce faire, elle s’adressera à l’établissement de soins, qui lui remettra, selon les cas, le dossier original ou des copies, ou l’invitera à une consultation en présence d’un professionnel. À noter que le dossier électronique du patient DEP permet de consulter directement les documents provenant des différents systèmes d’information clinique rattachés.

Accès par un autre professionnel de santé

Souvent les patients sont traités, consécutivement ou en même temps, par différents prestataires de soins. Les équipes médico-soignantes sont appelées à échanger des informations à leur sujet pour se coordonner, éviter des examens répétés et garantir la qualité de la prise en charge. Cet échange nécessite en principe l’accord explicite du patient. Il arrive néanmoins que cette autorisation ne peut être obtenue en temps et en heure, par exemple car un rendez-vous est prévu le lendemain, pour lequel le médecin de famille a besoin de certains documents hospitaliers. Il faut alors trouver le bon équilibre entre la collaboration au sein du réseau de soins et la vigilance indispensable.

Accès par un autre tiers

Assurance maladie ou invalidité, SUVA, mais aussi tribunaux : divers organismes peuvent avoir besoin d’éléments du dossier patient. Là aussi, la patiente doit donner son autorisation pour la communication de ceux-ci (ou son représentant thérapeutique si elle incapable de discernement, ou encore les parents s’il s’agit d’une personne mineure). À noter que cette autorisation peut être implicite selon les procédures administratives lancées par les différentes assurances.

Accès (post mortem) par un membre de la famille

Le secret professionnel ne s’éteint pas avec le décès d’une personne. Même ses enfants ne pourront accéder simplement à son dossier. Ils ont toutefois le droit de se faire expliquer les circonstances du décès. En revanche, s’il y a une raison médicale pour demander à connaître des éléments du dossier - p.ex. en cas de suspicion d’une maladie génétique -, il y a la possibilité de demander la levée du secret professionnel, en passant par un ou une médecin, qui devra s’adresser à la commission cantonale ad-hoc pour obtenir l’autorisation.

Consultation de dossiers patients en tant qu’archives historiques

Dans les lois sur l’archivage des différents cantons examinés, les dossiers contenant des données personnelles sont soumis à des délais de protection plus longs que les autres : 3 à 10 ans après le décès, ou 100 à 110 ans après la naissance de la personne, ou 80 à 110 ans après l’ouverture ou la clôture du dossier. La loi zurichoise est la seule qui mentionne spécifiquement les dossiers patients, en indiquant qu’ils deviennent accessibles 120 ans après leur clôture2. La pratique à Genève veut que la consultation de dossiers patients archivés, même très anciens, nécessite toujours la levée du secret professionnel par l’autorité compétente, ce secret étant éternel. Mais l’interprétation juridique de cette question varie d’un canton à l’autre : à Bâle-Ville, les Archives d’État sont compétentes pour décider de la communication de dossiers patients, s’il est apparent, en tenant compte de l’âge et du contenu des documents, qu’aucun intérêt protégé par le secret médical ne sera plus lésé3. Une décision récente du Tribunal fédéral4 a d’ailleurs déterminé que oui, l’archivage à long terme de données de santé constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée et à l'autodétermination informationnelle ; mais que cette atteinte aux droits fondamentaux est admissible, tant qu’il y a une base légale suffisamment claire et prévisible, et sert un intérêt public légitime. Le TF a ainsi reconnu le rôle essentiel de l'archivage pour la compréhension de l'évolution des structures démocratiques. Les délais de protection et l'examen au cas par cas de la nécessité d'une protection prévus par la loi sur l'archivage, permettent de concilier les différents intérêts en présence en matière de données relatives à la personnalité et de profils de la personnalité.

Droit à l’oubli ?

Citons encore, au niveau européen, le Règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable depuis le 25 mai 2018. Même en tant que non-membre de l’UE, la Suisse et les institutions qui y ont leur siège peuvent être concernées par ces dispositions, qui vont se retrouver dans les lois sur la protection des données fédérale et cantonales. Le RGPD connaît notamment des dispositions sur le « droit à l’oubli », notion qui n’existe pas actuellement en tant que telle dans la législation suisse. Son introduction potentielle va poser des défis aux juristes des hôpitaux, mais aussi aux services techniques : comment réaliser, sur demande de la personne concernée, l’effacement d’un dossier patient électronique, tout en respectant le devoir de documentation de l’institution ? Les différents systèmes d’information cliniques, mais aussi administratifs, sont extrêmement liés entre eux, comment garantir que les données soient vraiment effacées partout ? Faudrait-il plutôt « masquer » des entrées au lieu de les supprimer ? Et quid des intérêts de la recherche ?

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Anna Hug

Anna Hug est l’archiviste principale des Hôpitaux universitaires de Genève depuis janvier 2016. Elle a obtenu son diplôme de spécialiste HES en information documentaire en 2003 et celui du master en sciences de l’information en 2020. Entre 2006 et 2015, elle était engagée au sein de l’AAS à différents niveaux (commission de formation, délégation à la formation, comité).

Anna Hug ist die Archivarin des Universitätsspitals Genf seit Januar 2016. Informations- und Dokumentationsspezialistin FH seit 2003, hat sie 2020 das Masterstudium Information Science an der HEG Genf abgeschlossen. Von 2006 bis 2015 war sie in verschiedenen Gremien des VSA aktiv (Bildungsauschuss, Bildungsdelegation, Vorstand).

Bibliographie

  • HUG BUFFO, Anna, 2020. La gouvernance de l’information dans les hôpitaux universitaires suisses : données médicales et dossiers patients comme actifs informationnels. Exploration, analyse et modélisation [en ligne]. Carouge : Haute école de gestion de Genève. Travail de master. [Consulté le 20 juillet 2023]. Disponible à l’adresse : http://doc.rero.ch/record/3296...

Abstract

Les dossiers patients contiennent des nombreuses données sensibles et sont soumis au secret professionnel. Leur consultation obéit donc à des règles strictes, même au-delà du décès de la personne concernée. L’autrice de cet article a eu l’occasion d’étudier la législation en la matière de cinq cantons (BE, BS, GE, VD, ZH) dans le cadre de son travail de master. 

Patientenakten enthalten viele sensible Daten und unterliegen dem Berufsgeheimnis. Ihre Einsichtnahme unterliegt daher strengen Regeln, auch über den Tod der betroffenen Person hinaus. Die Autorin dieses Artikels hatte im Rahmen ihrer Masterarbeit die Gelegenheit, die diesbezügliche Gesetzgebung von fünf Kantonen (BE, BS, GE, VD, ZH) zu untersuchen.