Commentaires Résumé
2008/1 Le lobbying des services d’information: concept et réalité

Lobbying politique et campagne grand public de la Fédération suisse Lire et Ecrire

Commentaires Résumé

Définition des objectifs, identification des obstacles et recherche de solutions, la Fédération suisse Lire et Ecrire a posé de manière convaincante les bases conceptuelles d’un lobbying qui se veut efficace. Les deux grands axes d’une politique de persuasion: convaincre les décideurs et sensibiliser le public.

Qui n’a jamais entendu parler du problème de l’illettrisme dans notre pays? La presse s’en fait certes régulièrement l’écho, mais il y a loin de l’information – aussi spectaculaire soit-elle, et celle-ci en est une dans une Suisse qui se situe dans le peloton de tête des pays développés – à la résolution du problème. La Fédération suisse Lire et Ecrire prend le taureau par les cornes et met en œuvre toute une série de mesures qui se veulent cohérentes.

Rappelons que Lire et Ecrire est une association sans but lucratif et indépendante tant sur le plan politique que sur le plan confessionnel. Elle n’existe sous la forme d’une organisation faîtière suisse que depuis novembre 2006. La fédération regroupe les organisations de toutes les régions linguistiques qui s’engagent dans la lutte contre l’illettrisme et pour la formation de base des adultes.

On peut imaginer ici tout le travail pour la cohésion interne que cette nouvelle situation nécessite, puisqu’il s’agit de fédérer 22 sections et de coordonner des entités très disparates, tant du point de vue de la taille que de l’engagement. Cet aspect ne sera toutefois pas abordé ci-après, car il relève d’une autre logique.

Des objectifs clairs

La réussite d’un projet quelconque dépend, on le sait, du but que l’on fixe a priori: celui-ci doit être suffisamment précis pour que l’on puisse en déduire des mesures concrètes et efficaces. Il doit pourtant aussi être suffisamment général pour laisser la place, le cas échéant, à d’autres mesures innovantes que l’on n’avait pas imaginées au départ.

Or, sur ce point, l’article 2 des statuts de la Fédération suisse Lire et Ecrire est on ne peut plus précis, il définit sept objectifs: 

a) engagement pour la reconnaissance du problème de l’illettrisme auprès des autorités, pour le droit aux formations adaptées et la mise à disposition des moyens nécessaires;

b) prises de position dans le domaine de la politique de la formation à partir d’une vision globale en matière d’illettrisme;

c) sensibilisation de l’opinion publique, lancement et/ou coordination de projets nationaux dans les domaines de l’illettrisme;

d) récolte d’informations, documenta- tion et statistiques et constitution d’une plate-forme d’échange de sa- voirs et d’expériences entre régions linguistiques;

e) maintien et renforcement d’un réseau de partenaires aux niveaux national et international;

f) promotion et coordination de la formation de base et continue des formateurs/trices. La Fédération peut déléguer la formation de base et continue des formateurs;

g) Soutien des associations des régions linguistiques qui garantissent une offre couvrant le territoire de la région.

Les obstacles individuels et collectifs

Mais qu’en est-il de l’application? Quelles actions mener et comment? Deux questions qui ne peuvent trouver de solutions que si l’on prend la peine d’identifier les obstacles à l’action.

La fédération observe ici que la prise de conscience insuffisante de l’opinion publique et au niveau des décideurs politiques est un facteur fortement handicapant dans la lutte contre l’illettrisme et qu’elle rend difficile la mobilisation des ressources.

Il y a les obstacles individuels tout d’abord: la plupart du temps, une personne en situation d’illettrisme ne s’inscrit à un cours qu’à la suite d’un événement déclencheur fort: par exem- ple un problème d’emploi, l’entrée à l’école des enfants, le constat que l’illettrisme est un obstacle direct à un autre projet de formation, etc. A contrario, sans événement déclencheur fort, l’expérience montre qu’il est peu probable qu’une personne en situation d’illettrisme parvienne à surmonter les obstacles, objectifs ou subjectifs, qui rendent difficile l’inscription au cours «Lire et Ecrire».

Parmi les obstacles individuels, on mentionnera notamment les points suivants, qui sont de toute première importance pour définir comment organiser et configurer une action de sen- sibilisation:

– ignorance de l’existence de cours et fausses idées sur leur ampleur, leur durée et leur coût,

– sentiment de honte ou de culpabilité, et celui de se croire seul(e) dans cette situation,

– difficulté à dégager le temps et l’éner- gie nécessaires.

Les obstacles collectifs, ensuite. La méconnaissance qui entoure le sujet ne contribue pas à lever les tabous. L’opinion publique n’a guère conscience de l’ampleur du phénomène. L’étude Pisa a certes contribué à mettre en évidence les carences de certains élèves, mais n’a pas contribué à rendre public le problème de l’illettrisme des adultes. On mentionnera également le faible engagement des intermédiaires. Il est rare en effet qu’une personne en situation d’illettrisme parcourt entièrement seule le chemin qui l’amène à s’inscrire à un cours. Dans la plupart des cas, c’est l’intervention d’un intermédiaire, par exemple les services sociaux, qui l’aide à s’orienter vers les cours. Cependant les tiers comme le monde de l’école obligatoire, des entreprises, du milieu familial, de l’armée et du milieu médical qui rencontrent régulièrement des personnes en situation d’illettrisme, ne sont pas suffisamment conscients du problème et ignorent que des solutions peuvent être offertes.

Les deux volets d’un lobbying ciblé

La sensibilisation du grand public et des politiques ainsi que le renforcement de l’action des autres types d’intermédiaires sont deux voies nouvelles que la Fédération suisse Lire et Ecrire entend explorer pour dépasser les tabous et envisager une action d’une plus grande ampleur en Suisse.

On peut ainsi dégager les deux gran- des formes d’action que la Fédération a adoptées et qu’elle met en œuvre.

Au niveau de la politique et de la loi

Les actions menées au niveau politique et légal découlent des deux premiers objectifs de la Fédération suisse Lire et Ecrire, à savoir: a) engagement pour la reconnaissance du problème de l’illettrisme auprès des autorités, et b) prises de position dans le domaine de la politique de la formation.

Si les actions de ce type au niveau cantonal sont, en raison bien sûr de la structure fédéraliste de notre système, plus difficiles à coordonner, elles n’en revêtent pas moins une grande importance. Les interventions directes à ce niveau se font dans le cadre de l’élaboration des nouvelles lois cantonales sur la formation professionnelle; elles consistent en général à la participation aux consultations organisées dans ce contexte.

Le travail de lobbying mené sur le plan fédéral, notamment par le président de la fédération, Roger Nordmann, conseiller national, a permis d’inscrire dans la législation, via des motions spécifiques, la notion d’illettrisme et de lutte contre cette dernière. C’est ainsi qu’en juin 2007, le Conseil fédéral approuvait et transmettait au Parlement le projet de loi sur l’encouragement de la culture, dont l’article 13 mentionne explicitement l’illettrisme; que, toujours en juin 2007, la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des Etats chargeait le Conseil fédéral de définir, d’entente avec les cantons, la formation de rattrapage des adultes (lecture, écriture et calcul) dans le cadre de la préparation de la future loi sur la formation continue; que, enfin, en septembre 2007, le Conseil national adoptait la motion «Lutte contre l’illettrisme».

Au niveau des personnes concernées, des intervenants directs et du grand public Les actions menées par la Fédération suisse Lire et Ecrire sont évidemment très nombreuses et il n’est pas possible de les énumérer toutes ici.

Outre les actions de sensibilisation menées auprès des entreprises et des hôpitaux, la participation à la Journée mondiale de l’alphabétisation – et la collaboration avec les bibliothèques dans ce contexte –, la participation aux journées Formation en fête organisées par la FSEA (Fédération suisse pour la formation continue), on mentionnera surtout ici le projet de Campagne natio- nale de sensibilisation 2008–2011. Cette campagne subsume en fait l’ensemble des actions de sensibilisation destinées aux personnes concernées par l’illettrisme, les intervenants directs ainsi que, indirectement, le grand public.

Ce projet a été déposé dans le cadre de l’article 55 de la Loi sur la formation professionnelle, article intitulé «Subventions en faveur de prestations particulières d’intérêt public» qui stipule, à l’alinéa e, que de telles subventions peu- vent être accordées pour «les mesures en faveur des groupes et des régions défavorisés» et, à l’alinéa g, pour «les mesures en faveur du maintien dans la vie active et de la réinsertion professionnelle».

Si le principe est acquis et le concept prêt, la question du financement de l’ensemble des actions prévues dans le cadre de cette campagne n’est, de loin, pas encore résolue. Encore une question ... de lobbying. 

Stéphane Gillioz Avec Brigitte Pythoud et Reto Wiesli, du Secrétariat général 

Contact: 

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