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2015/3 GLAM und Wikimedia

Wikimédia, ce n’est pas que Wikipédia

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Qui, en 2015, ne connaît pas Wikipédia?

Lancé en 2001, ce site collaboratif s’est hissé parmi les dix adresses virtuelles les plus visitées de Suisse et du monde, tutoyant les grands du net. Ce que l’on sait moins, c’est que derrière ce succès se trouve la Fondation Wikimédia et dont l’objectif avoué est simple: partager la somme des connaissances humaines, sans restrictions. Tout ça pour 50 millions de dollars par an et avec moins de 300 employés – quand ses voisins du Top10, tels Google ou Amazon, comptent leurs collaborateurs en dizaines de milliers et leur chiffre d’affaires en dizaines de milliards.

En bonne fille du numérique, la fondation a peu de raisons de se soucier de ses coûts d’hébergements: les 4,8 millions d’articles wikipédiens en anglais (ou les 1,8 million d’articles en français ou 2 millions en allemand) tiennent en effet sur une clef USB1, et l’entier des 35 millions d’entrées en 290 langues n’occuperait guère qu’un petit disque dur externe comme on en trouve dans le commerce. Le nerf de la guerre, dès lors, n’est donc pas le stockage à proprement parler mais la diffusion du contenu et le temps consacré à son amélioration.  

La première est fonction du succès du projet (plus il y a de lecteurs, plus la demande en bande passante est grande), et c’est ici que se situent dans la pratique les plus grosses dépenses d’infrastructure; le second est infini – ou à tout le moins un multiple du nombre de personnes désirant consacrer une   seconde pour corriger une faute, une heure (ou une journée) pour sortir un article de son statut d’ébauche. Quand on ne doit payer ni ses rédacteurs, ni son papier, que l’échec n’a pas de réelles conséquences financières, on se dit bien que le champ des possibles s’élargit d’un coup (ou, pour reprendre l’expression anglaise «The sky is the limit »). C’est ainsi qu’est née une constellation de sites autour de Wikipédia et reprenant le même concept  collaboratif; des déclinaisons aux succès et échecs tout aussi variés que, parfois, inattendus. Petit tour d’horizon de la galaxie wikimédienne.

Wikipédia, l’incontournable

On ne peut aborder cette liste sans bien sûr parler de ce Léviathan des temps modernes, plus grande construction encyclopédique de l’histoire humaine. Quelques chiffres? Wikipédia, ce sont 500 millions de visiteurs mensuels, dont 100 000 se revendiquent wikipédiens via un compte enregistré et actif (soit cinq modifications ou plus dans le mois écoulé; par modification, on entend indifféremment cinq corrections typographiques ou cinq pages entières de rédaction sur le sujet le plus obscur). En 2002, on n’y lisait guère que «La pomme est un fruit» et autres créations du même acabit. Treize années plus tard, l’article en question pèse 51 000 signes et comporte une quarantaine de notes bibliographiques: on y apprend la valeur nutritive moyenne d’une pomme, les zones de production et de consommation, ainsi que son usage symbolique dans la mythologie antique. Toutes les deux semaines en moyenne, une nouvelle modification y est apportée – comme les autres plus ou moins triviale, plus ou moins substantielle.

Le succès qualitatif de Wikipédia, c’est ça: avoir réalisé que des milliers de dilettantes auront toujours plus de temps qu’une poignée de spécialistes pour collecter, organiser et corriger l’information. Depuis 2007 et ce fameux article publié dans la revue scientifique Nature, on sait que le résultat de ce travail de fourmis sera d’une qualité comparable à celle d’un grand titre comme l’Encyclopédie Britannica. De fait, un mois après la publication de cette étude qui fit tant de bruit, toutes les erreurs relevées étaient corrigées par la magie du wiki: chez les professionnels, la démarche sera beaucoup, beaucoup plus lente.

Wikimédia Commons, médiathèque universelle

Fait peu connu, les illustrations des articles wikipédiens sont en fait hébergées sur un site distinct nommé Commons, bibliothèque d’images, sons et vidéos des projets Wikimédia. Chacun des médias qui est utilisé pour illustrer un article y est hébergé, mais bien plus encore: la connaissance, ce n’est pas que l’écrit, et on y recense ainsi (et à date) près de 26 millions de fichiers portant, comme Wikipédia, sur (presque) tous les sujets – de la carte illustrant les régions agricoles de Tanzanie à la vidéo de base jump à Oman, en passant par un enregistrement de 1902 des Bateliers de la Volga. Ces cartes, symphonies, images, tableaux et vidéos constituent un élément essentiel de la construction wikipédienne: une récente étude chiffrait la seule contribution des documents dans le domaine public à plus de 250 millions de dollars annuels2 (soit près de cinq fois le budget de la Fondation Wikimédia)!

Tout comme Wikipédia, ce contenu est sous licence libre – c’est à dire librement réutilisable pour peu que l’auteur soit crédité et la condition de redistribution respectée – une règle qui se télescope ici plus qu’ailleurs avec le droit d’auteur conventionnel.

Outre l’encyclopédie et ses lecteurs, les autres grands bénéficiaires de Commons sont ceux qu’on appelle les GLAMs (acronyme anglais de Galleries, Libraries, Archives and Museums), qui multiplient les partenariats pour héberger une partie de leurs collections dans cette médiathèque. Dans le domaine de la diffusion du savoir, ces institutions ont réalisé que plus une collection est visible, plus elle est vue – avec des retombées tangibles pour celle qui aura osé franchir le pas: en 2011 par exemple, les archives fédérales allemandes concluaient qu’une donation de 100 000 photographies tirées de leur fonds avait conduit à une augmentation notable des commandes auprès de leurs services, ainsi que du simple trafic vers leur site3. En Suisse, les Archives fédérales, la Bibliothèque nationale et d’autres institutions ont signé des partenariats avec Wikimedia CH pour l’aide à la mise à disposition d’une partie de leurs contenus, telle la Constitution fédérale de 1848.

Le Wiktionnaire, la réussite discrète

S’il est un projet wikimédien peu connu, mais qui a su creuser sa niche, c’est bien le Wiktionnaire, une incroyable collection de définitions (2 700 000 à la date de rédaction de cet article) en près de 3800 langues et dialectes – de l’aari (une langue éthiopienne) au zuni (une tribu pueblo du sud-ouest américain comptant moins de 10 000 locuteurs).

Toutes ces langues ne sont évidemment pas également recensées, mais il faut se souvenir que le Wiktionnaire, comme tous les projets wikimédiens, se veut un projet et donc, comme l’encyclopédie, en développement constant. A ce titre, des dizaines de robots parcourent inlassablement les bases de données linguistiques du monde (à commencer par le Dictionnaire de l’Académie française et le Duden allemand) pour créer les entrées correspondantes et les lier entre elles. Les contributeurs sont invités à compléter le travail accompli, notamment les passagesnargotiques qui ne sont pas encore décrits par les institutions. C’est ici encore la marque wikipédienne qui se fait sentir: le Wiktionnaire ne prend pas le parti de choisir entre savoir noble (Oxford, Académie, Duden) et populaire (Urbandictionary.com) – tout savoir est savoir et, dès lors, on ne se s’étonnera pas de le retrouver en tête des résultats Google alors que le marché est pour le coup pourtant bien occupé par d’autres marques établies.

Wikisource – lectures et relecture

La règle générale du copyright veut que celui-ci expire 70 ans après le décès d’un auteur. Son oeuvre passe alors dans le domaine public et peut être librement diffusée. Encore faut-il pouvoir profiter de ces nouvelles libertés, surtout quand l’accès aux (trop) rares copies d’un texte reste limité aux heures d’ouverture de l’institution qui les héberge.

Arrive Wikisource, dont le propos est de remettre à la disposition du public le plus d’ouvrages possibles, à la manière d’un projet Gutenberg. Le procédé est extraordinairement simple et fastidieux à la fois: des ouvrages sont d’abord numérisés (plus rarement recopiés ligne par ligne) par des contributeurs, ou partagés par des institutions qui en hébergent des copies dont elles veulent faciliter la diffusion du contenu. Les fichiers obtenus passent par un OCR (un programme de reconnaissance des caractères), moment à partir duquel d’autres contributeurs (ou les mêmes) peuvent s’attacher au travail de relecture, correction et validation des textes. Une tâche dantesque, qui peut s’avérer relativement plaisante quand il s’agira de relire Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas ou Die Verwandlung de Kafka, beaucoup moins peut-être quand on s’attaquera au Dictionnaire encyclopédique de Diderot et d’Alembert (quoique).

Wikinews, Wikiquote – les échecs ?

Peu connus, peu exploités, il est deux projets qui n’auront pas su trouver leur niche parce qu’ils se seront attaqués à des services pour lesquels leur valeur ajoutée n’est pas évidente. Ces projets survivent – vivotent, même – mais bien peu de gens les ont jamais fréquentés.

Wikiquote, tout d’abord, un projet qui comme son nom l’indique vise à rassembler des citations de tous horizons: peu après son lancement, l’exercice se transforme vite en gigantesque oeuvre de plagiat, des contributeurs bien intentionnés mais maladroits se contentant d’aller recopier à tour de bras le contenu de sites commerciaux. Problème: ceux-ci, pour se protéger de ce genre de pillage, insèrent périodiquement de fausses citations leur permettant ainsi de repérer les indélicats. Le projet est partiellement fermé, ses bases de données effacées, et il est rouvert avec une nouvelle règle de base: toute citation doit être sourcée vers un lieu, une date, un ouvrage, ce qui fait désormais de Wikiquote, grâce à ce péché originel, un recueil probablement plus fiable que ses concurrents. Mais l’offre est pléthorique et, au final, le site n’est ni plus ni moins fréquenté, ni plus ni moins reconnu qu’un autre.

Le deuxième échec (ou non-succès) wikimédien est celui de Wikinews, qui se voulait être au traitement de l’actualité ce que Wikipédia est à l’encyclopédisme: collaborative, neutre, de qualité.

Sauf que, premier écueil, le flot de l’information s’oppose par définition à la sédimentation du savoir, cette accumulation qui fait que, même doucement, on a l’impression d’avancer. Une fois un cycle de nouvelles terminé, on passe à autre chose et le contenu ancien est dès lors peu réutilisable. Deuxième problème, les sources, qui sont pourtant l’une des forces de Wikipédia: quelle valeur ajoutée y a-t-il à recopier des articles journalistiques quand il suffit, pour le lecteur, d’aller à la source primaire (tout autant en ligne) pour obtenir exactement la même information, et plus tôt? En se fixant une interdiction de faire des reportages inédits, Wikinews s’est condamnée à la paraphrase permanente, à partir structurellement avec un temps de retard sur l’actualité. Le projet, dès lors, ne vivote que grâce à une poignée de contributeurs dévoués mais rares.

Coillet Matillon Stéphane 2015

Stéphane Coillet-Matillon


Stéphane Coillet-Matillon est membre du Conseil d’administration de Wikimedia CH depuis 2013, où il s’occupe en particulier des questions de management et de fundraising. Contributeur de l’encyclopédie Wikipédia depuis 2004, il a occupé diverses fonctions au sein de la communauté francophone.

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Wikimedia, über Wikipedia hinaus, ist eine Sammlung von Projekten unter dem Dach der Wikimedia Foundation. Trotz ihrer relativ limitierten Mittel ist die Stiftung in der Lage, mithilfe der Community neue Projekte zu lancieren.

Wikipedia, das erste und mit 35 Millionen Artikeln in 290 Sprachen grösste dieser Projekte, definiert sich als eine Enzyklopädie, ein Nachschlagewerk, das Wissen akkumuliert ohne jemals vollendet werden zu können. Wikimedia Commons, mit 26 Millionen Datensätzen, enthält alle Bilder, Karten, Videos und Tondokumente, die in den anderen Projekten enthalten sind, wohingegen Wikidata, das neueste Wikimedia-Projekt, die allgemeingültigen Nachweise (z.B. Bevölkerungsdaten, Geburtsdaten etc.) enthält.

Wiktionary und Wikisource, obgleich weniger bekannt, bieten ein einzigartiges Angebot an Wortschatz sowie Werken in der Public Domain. Unter den Projekten, die bis jetzt noch nicht ihren Weg zum breiten Publikum gefunden haben, findet man Wikiquote und Wikinews – relative Misserfolge, da sie gegenüber den bereits existierenden Angeboten keinen nachweisbaren Mehrwert aufweisen können.

Es ist nicht das Ziel der Wikimedia-Projekte, andere Bildungsangebote zu konkurrieren oder zu ersetzten. Viel interessanter und erwünscht ist die Diskussion in Bezug auf mögliche Synergien.