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2013/2 Gender Studies und I+D

La division du travail: l’enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes

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Aujourd’hui, les femmes font dans une large mesure jeu égal avec les hommes en matière de droits politiques et civils, d’accès aux études supérieures et de présence sur le marché du travail. En Suisse, elles représentent par exemple 52% des entrées dans les hautes écoles universitaires (www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/05/blank/key/gleichstellungund.html, consulté le 15.5.2013) et près de 45% de la population active occupée (www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/03/02/blank/key/erwerbstaetige0/ entwicklung.html consulté le 15.05.2013). Au cours des cinquante dernières années, les inégalités de sexe se sont fortement atténuées dans plusieurs domaines.

Ces évolutions sur le chemin de l’égalité des sexes sont profondes et spectaculaires d’un point de vue historique. Toutefois, elles contrastent fortement avec la division du travail entre femmes et hommes qui caractérise le marché du travail, et demeure particulièrement forte, en Suisse comme à l’étranger. Les activités de production de biens et de services ne sont pas réparties de manière équitable entre les sexes. Le travail rémunéré demeure, en dépit des transformations sociales survenues au cours du XXe siècle, encore considéré comme l’apanage des hommes. Les soins aux enfants et personnes dépendantes, ainsi que les tâches ménagères, effectuées gratuitement au domicile ou dans d’autres ménages, sont assignés aux femmes. Cette répartition inégale entre travail rémunéré et travail non rémunéré, fruit de l’industrialisation, repose sur la séparation des sphères publique et privée, et sur les figures respectives de l’homme «pourvoyeur principal des ressources du ménage» et de la femme «gardienne du foyer». L’activité rémunérée féminine demeure considérée comme secondaire par rapport à celle des hommes. Ces derniers exercent rarement les mêmes métiers que les femmes. En même temps, les travaux féminins ne reçoivent pas la même valeur économique et symbolique que les tâches masculines. Plus les exigences d’un certain travail ressemblent à celles d’un travail proche des tâches assumées au foyer, moins elles sont appréciées et par conséquent rémunérées. Cette forme de division du travail continue de marquer la réalité et les représentations sociales contemporaines du travail des femmes et des hommes. Elle influence également les orientations différenciées – choix de la profession et branche d’études – des unes et des autres. 

Un principe fondamental d’organisation

La division sexuelle du travail3 constitue un principe fondamental d’organisation des sociétés contemporaines; elle est à l’origine des principales disparités qui caractérisent la situation des femmes et des hommes dans le domaine du travail qu’il s’agisse des formes d’emploi (temps partiel par exemple) ou de l’exercice concret des métiers. L’emprise de cette forme de division du travail se fait donc sentir dans différents domaines. La prise en compte des contraintes objectives qui pèsent sur les femmes du fait de leur assignation au travail domestique, ainsi que les représentations dominantes de la place «normale» des hommes et des femmes dans l’emploi qui découle de cette division du travail éclairent les modalités de participation des femmes et des hommes au marché du travail.

Le temps partiel, un temps de travail au féminin 

Les femmes et les hommes ont une participation différente dans la sphère professionnelle. Cela concerne principalement le temps de travail. En Suisse, près de trois femmes sur cinq travaille à temps partiel contre près d’un homme sur huit. Par ailleurs, près de 80% des postes à temps partiel sont occupés par des femmes. Ainsi le taux d’occupation distingue clairement l’activité professionnelle des femmes et des hommes. Le temps partiel reste une forme d’emploi essentiellement féminine. Cette différence est à replacer dans le contexte plus large de la division du travail rémunéré et non rémunéré entre les sexes. Bien que le temps partiel existe depuis longtemps, à partir des années 1970 il est quasi automatiquement associé au travail des femmes. Considéré comme un moyen de «concilier» activité professionnelle et responsabilités familiales, le temps partiel recouvre pourtant des réalités fort différentes. S’il résulte parfois d’une «demande» féminine, de mères d’enfants en bas âge, il répond également et plus souvent qu’on ne le pense à des intérêts économiques de flexibilité dans le commerce, les soins aux personnes, la restauration, etc. Le travail à temps partiel touche surtout des secteurs féminisés et des emplois peu qualifiés. Enfin, il convient de souligner qu’un poste à temps partiel est souvent synonyme de précarité, d’une couverture sociale insuffisante (caisse de pension par exemple), d’obstacle à la formation continue et à l’avancement professionnel.

Métiers de femmes et métiers d’hommes 

Sur le marché du travail, femmes et hommes exercent rarement les mêmes métiers. Ils se répartissent de manière inégale dans les différents groupes professionnels – phénomène couramment désigné sous le nom de ségrégation horizontale du marché du travail. En Suisse, les hommes sont surreprésentés dans les métiers manuels (notamment dans l’artisanat et les professions du secteur de la production), alors que les femmes sont concentrées dans les activités non manuelles du secteur tertiaire (en particulier dans les professions du bureau, les métiers de la vente et ceux des services aux personnes).

En 2012, 20,4% des hommes exerçant une activité rémunérée travaillaient dans les métiers de l’industrie et de l’artisanat. A l’inverse, 23,1% des femmes actives sont occupées dans le personnel de service, de commerce ou de la vente. A l’exception des profes- sions intellectuelles et scientifiques (médecins, architectes, juristes, journalistes, etc.) ainsi que des professions intermédiaires (soins infirmiers, travail social, etc.), qui réunissent une proportion quasi identique de femmes et d’hommes, la population active féminine et masculine est répartie de manière très inégale dans les autres groupes professionnels. Ce phénomène de concentration féminine dans un nombre restreint de secteurs d’activité évolue faiblement. Au début du XXIe siècle, cinq professions réunissent à elles seules près de la moitié des femmes actives occupées: infirmière, employée de commerce, vendeuse, nettoyage et enseignante (préscolaire et primaire). Enfin, la ségrégation est le déterminant majeur des écarts salariaux entre les sexes.

Cette concentration se double d’un accès inégal aux postes à responsabilité ou de pouvoir dans les entreprises. S’agissant de la position occupée dans la hiérarchie professionnelle, on constate que les hommes monopolisent les postes les plus attractifs et les mieux payés, dans les professions aussi bien manuelles que non manuelles. En 2012, 24,3% des hommes salariés exercent une fonction dirigeante, et 8,5% sont membres de la direction contre respectivement 15,6% et 3,9% des femmes seulement.

En résumé, plus on monte dans la hiérarchie professionnelle, moins on y trouve de femmes. D’une certaine manière, c’est comme si une barrière invisible les empêchait d’accéder au sommet des entreprises. Et même dans les branches et métiers où les femmes et hommes se côtoient, comme dans l’enseignement, la santé, les professions de bibliothécaire documentaliste (Stadler, 2012), elles et ils n’occupent pas les mêmes postes et n’accèdent pas aux mêmes degrés de responsabilité. Cet état de fait, c’est-à-dire les barrières qui produisent la rareté des femmes aux échelons supérieurs de la hiérarchie professionnelle, est habituellement désigné sous le nom de «plafond de verre».

Les disparités dans l’accès aux fonctions d’encadrement et dirigeantes ont diminué, en lien avec l’accession des femmes aux professions d’élite (par exemple médecins, architectes, juristes, avocats). En revanche, la concentration des femmes dans les emplois non manuels et mal payés du tertiaire et dans les métiers manuels du secteur de la production a peu changé ou s’est même accentuée. «Ces emplois dits féminins ne se sont guère ouverts aux hommes.» (Charles, 2005:5). La distribution différenciée des filles et des garçons dans les filières de formation explique, en partie seulement, la ségrégation horizontale. La pérennisation de ce phénomène de concentration a deux causes: la croyance en l’existence de différences fondamentales entre les sexes (les femmes et les hommes ont des valeurs, des ambitions et des aptitudes différentes) et les changements structurels de l’économie (essor du secteur des services). 

La médecine à l’épreuve de la féminisation 

Femmes et hommes n’occupent tendanciellement pas les mêmes métiers, et lorsqu’ils le font, leurs expériences sont différenciées, et leurs chances d’avancement professionnel sont inégales.

En Suisse, la profession médicale connaît une féminisation prononcée depuis quelques décennies. Entre 1970 et 2011, la proportion de femmes parmi les médecins en exercice est passé de 14% à 36,7% (Kraft, 2012, p. 399). Dans les facultés de médecine, les étudiantes sont devenues aussi nombreuses que leurs homologues masculins depuis le milieu des années 1990. Actuellement, le taux féminin parmi les nouveaux diplômés en médecine oscille entre 50 et 67% selon l’université considérée (Deriaz et al., 2010:, p. 1438).

Chasses gardées masculines et niches féminines 

Si la féminisation de la médecine constitue l’une des transformations les plus visibles de l’univers médical, elle illustre également l’une des avancées féminines notables dans la sphère du travail rémunéré: l’arrivée des femmes dans des activités et fonctions traditionnellement réservées aux hommes. Or, un examen détaillé de la situation des unes et des autres montre que la féminisation de la profession ne rime pas avec une répartition égale des femmes et de hommes dans les spécialités médicales et les positions hiérarchiques.

En Suisse, l’ensemble des spécialités chirurgicales ainsi que quelques branches de la médecine interne sont des bastions masculins; les postes à responsabilité dans les établissements hospitaliers et les postes de professeur dans les facultés de médecine, ainsi que la direction des associations professionnelles sont également en mains masculines.

Parmi les spécialités médicales féminisées, celles où la proportion de femmes s’élève ou dépasse le tiers des effectifs, on trouve la psychiatrie, la dermatologie, la pédiatrie, l’anesthésiologie et l’ophtalmologie (Rosende, 2008). A l’exception de la première, les autres branches représentent des petites spécialités du point de vue des effectifs. La féminisation du corps médical a donc une face cachée: l’accès aux disciplines et aux échelons supérieurs de la hiérarchie hospitalière et académique est inégal selon le sexe. En d’autres termes, les carrières médicales des femmes et des hommes affichent des différences prononcées.

Les spécialités et les types de carrière investis par les femmes n’ébranlent pas la division du travail entre les sexes observée dans l’ensemble de la population. Comparées à leurs confrères, les femmes médecins sont en effet plus souvent occupées à temps partiel et s’orientent moins souvent vers une carrière hospitalo-universitaire, soit vers les postes de travail les plus prestigieux dans ce champ. Les travaux disponibles montrent que la charge de travail familial qu’elles assument dans la sphère privée rendent en grande partie compte de leur moindre investissement professionnel. Dans cet univers de travail, la «conciliation» entre vie professionnelle et vie privée, une question qui concerne essentiellement les femmes, soulève des difficultés d’organisation spécifiques.

L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée 

Constituée comme profession libérale à un moment où l’écrasante majorité de médecins sont des hommes, la médecine s’est structurée autour d’un modèle masculin d’investissement et de dévouement total aux patients, assorti d’une disponibilité permanente pour les gardes et les astreintes. Le temps de travail médical qui s’est imposé comme norme au cours des décennies implique un temps de travail submergeant et débordant tous les autres temps sociaux. En d’autres termes, la profession s’est constituée sur le principe de la séparation des sphères professionnelle et privée, et sur les figures correspondantes du pourvoyeur masculin de revenu et de la femme au foyer.

Pendant la période de spécialisation médicale, la durée du travail des médecins avoisine les 60 heures hebdomadaires. A cela s’ajoute l’obligation d’effectuer des stages hospitaliers dans divers établissements. Dans les faits, la spécialisation médicale renvoie à la gestion de contraintes diverses: une disponibilité temporelle élevée pendant plusieurs années et une importante mobilité géographique. Ces contraintes ont un effet majeur car elles débordent nécessairement du seul registre professionnel et affectent la vie privée des médecins. La spécialisation intervient en effet à un moment de la trajectoire biographique qui coïncide souvent avec la mise en couple et la naissance d’enfants. Les femmes qui deviennent mères pendant la spécialisation médicale sont de ce fait confrontées à différentes contraintes: consacrer tout son temps à la médecine, accepter des déménagements et prendre en charge une grande partie du travail domestique, non rémunéré. Par ailleurs, les questions d’ordre professionnel, dont dépendent la spécialisation et le type de carrière médicale, deviennent souvent un problème à régler avec son conjoint/partenaire.

Conclusion

La situation des femmes et des hommes dans l’univers du travail professionnel ne peut être comprise sans regarder ce qui se joue dans l’univers privé, sans prendre en considération la charge de travail non rémunéré que les femmes assument dans ce domaine. En même temps, il serait faux de penser que la sphère professionnelle se contente de reproduire des inégalités définies ailleurs. Une partie des disparités de sexe résultent de facteurs liés au fonctionnement du marché du travail, à l’organisation des entreprises et des professions. 

Littérature

  • Charles, Maria (2005). Evolution de la ségrégation professionnelle en fonction du sexe et de la nationalité de 1970 à 2000. Neuchâtel: Office fédéral de la statistique.

  • Deriaz, Sandra, Lauriane Bridel Grosvernier, Jean-Daniel Tissot (2010). «Profession médecin: choix et perspectives selon le genre», Revue médicale suisse, 28 juillet, pp. 1438–1442.

  • Kergoat, Danièle (2012). Se battre, disent- elles. Paris: La Dispute, coll. Le genre du monde.

  • Kraft, Elisabeth (2012). «Statistique médicale 2011. 30849 médecins au service de la Suisse». Bulletin des médecins suisses, vol. 93 (11), pp. 399–403.

  • Rosende, Magdalena (2008). Parcours féminins et masculins de spécialisation en médecine. Zurich: Seismo.

  • Stadler, Laura (2012). «Die Gläserne Decke in Schweizer Bibliotheken». Churer Schriften zur Informationswissensschaft, n° 53. Chur: Hochschule für Technik und Wirtschaft.

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Magdalena Rosende

Université de Lausanne

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Heutzutage sind Frauen in Bezug auf politische und bürgerliche Rechte, auf den Zugang zu höheren Ausbildungen und auf die Präsenz am Arbeitsmarkt weitgehend gleichberechtigt. So gehen etwa in der Schweiz 52 Prozent der Einschreibungen an Hochschulen auf das Konto von Frauen, und gegen 45 Prozent der arbeitstätigen Bevölkerung sind weiblich. In den vergangenen 50 Jahren hat sich die geschlechtliche Ungleichheit in zahlreichen Bereichen stark abgeschwächt.

Die Arbeitsteilung nach Geschlecht stellt ein fundamentales Organisationsprinzip moderner Gesellschaften dar; sie ist der Grund für die Ungleichheiten, welche die Situation von Frauen und Männern in der Arbeitswelt bestimmen, sei es nun in Bezug auf die Arbeitsformen (z.B. Teilzeitarbeit) oder die konkrete Ausübung des Berufs. Die Auswirkungen dieser Arbeitsteilung sind in verschiedenen Bereichen spürbar. Die Berücksichtigung der objektiv vorhandenen, aus dieser Arbeitsteilung hervorgehenden Einschränkungen, welche die Frauen aufgrund ihrer Zuweisung zur Hausarbeit und der herrschenden Vorstellungen über den «normalen» Platz von Männern und Frauen bei der Arbeit erfahren, werfen ein Licht auf die Bedingungen, denen Frauen und Männer bei der Teilnahme am Arbeitsmarkt unterworfen sind.

Die Autorin liefert auf der Basis von kürzlich veröffentlichten Statistiken eine allgemeine Analyse der Arbeitsteilung zwischen Frauen und Männern (mit einem Schwerpunkt auf den Gesundheitsberufen), die geprägt ist von männlichen Vorrechten und weiblichen Nischen und von der Suche nach einem Ausgleich zwischen Berufs- und Privatleben. Die Situation von Frauen und Männern in der Erwerbswelt kann nicht verstanden werden, ohne einen Blick darauf zu werfen, was sich im privaten Bereich abspielt, und ohne die Arbeitslast in Betracht zu ziehen, die Frauen in diesem Bereich unentgeltlich übernehmen. Gleichzeitig wäre es falsch, zu denken, die Berufswelt würde sich darauf beschränken, Ungleichheiten zu reproduzieren, die ihren Ursprung an einem anderen Ort haben. Ein Teil der geschlechtlichen Ungleichheiten sind auf Faktoren zurückzuführen, die mit der Funktionsweise des Arbeitsmarkts und der Organisation der Unternehmen und Berufe zu tun haben.