«Mémoire du monde» de l’UNESCO: un exemple de collaboration internationale entre associations patrimoniales
Le programme «Mémoire du Monde» (Gedächtnis der Menschheit / Memory of the World) de l'UNESCO est créé en 1992 «dans le but de sauvegarder le patrimoine documentaire, de faciliter son accessibilité et sa diffusion, et de sensibiliser le public à son importance ainsi qu’à la nécessité de sa préservation». Les archivistes suisses y participent depuis 2007.
Dès sa fondation en 1948 sous l’égide de l’UNESCO, le Conseil international des archives (ICA-CIA) a suscité l’intérêt des archivistes suisses, dont plusieurs représentants ont œuvré et œuvrent toujours dans ses différents comités ou sections. Avec huit autres associations nationales, l’AAS est membre du CIA depuis sa première assemblée générale de 19501.
À partir de 2007, avec la première inscription sur le registre «Mémoire du Monde», les archivistes suisses sont unis à l’UNESCO par un lien supplémentaire.
Le programme «Mémoire du Monde» de l'UNESCO
L’UNESCO mène plusieurs programmes dont le plus connu est sans doute celui de l’identification du patrimoine mondial culturel et naturel. Il a souvent été question, aussi, ces dernières années, du patrimoine culturel immatériel.
Le programme «Mémoire du Monde» (Gedächtnis der Menschheit / Memory of the World) est créé en 1992, «dans le but de sauvegarder le patrimoine documentaire, de faciliter son accessibilité et sa diffusion, et de sensibiliser le public à son importance ainsi qu’à la nécessité de sa préservation». Le programme fête donc en 2022 son 30e anniversaire en même temps que l’AAS fête ses 100 ans.
Dans sa Recommandation concernant la préservation et l’accessibilité du patrimoine documentaire, y compris le patrimoine numérique publiée en 2015, l’UNESCO fournit une série de définitions et de principes très ambitieux utiles à tout archiviste ou bibliothécaire. À noter aussi l’ouverture vers tous types de supports, y compris électroniques (collaboration avec le projet InterPARES et organisation de la journée mondiale du patrimoine audiovisuel, relayée en Suisse par l’association Memoriav).
Des manuscrits de Rousseau aux prisonniers de la Grande Guerre en passant par l’éradication de la variole...
En parcourant le registre, qui compte en 2022 plus d’un demi-millier d’entrées, de tous les continents, on découvre à la fois des documents isolés, de petits ensembles thématiques et des fonds ou des collections entières.
Plusieurs institutions présentes sur le sol suisse se sont adressées à la Commission suisse pour l’Unesco, afin d’inclure dans le registre des documents particulièrement dignes d’intérêt.
Proximité avec les organisations internationales oblige, les deux premières ont été le Comité international de la Croix-Rouge, en 2007, pour les archives de l’Agence internationale des prisonniers de guerre, trace poignante des souffrances des victimes de la Première guerre mondiale. En 2009, c’est l’Office des Nations Unies à Genève qui a obtenu l’inscription des archives de la Société des Nations.
La même année, en 2009, la Bibliothèque de l’Abbaye de Saint-Gall s’est jointe à la Staatsbibliothek de Munich et à la Badische Landesbibliothek de Karlsruhe pour inscrire les trois manuscrits identifiés de la Chanson des Nibelungen, poème héroïque médiéval dont on connait l’importance pour la culture européenne.
Sur le même modèle, la Bibliothèque de Genève et la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel se sont associées en 2011 pour demander l’inscription des manuscrits, des éditions et des autres collections Jean-Jacques Rousseau. Dans un tout autre registre, l’Héritage du Montreux Jazz Festival a été inscrit en 2013.
Sur un mode plus traditionnel, les collections de la Bibliotheca Bodmeriana de Cologny, près de Genève, trouvent leur place dans la liste en 2015, et l’ensemble formé par les archives et la bibliothèque de l’Abbaye de Saint-Gall est ajouté en 2017, la même année que les Déclarations faites par les peuples autochtones aux Nations Unies, conservées à Genève.
Mentionnons enfin les dossiers du Programme d’éradication de la variole (1948-1987), en 2017, une soumission de l’Organisation mondiale de la Santé qui prend une résonance particulière ces années-ci.
D'autres candidates potentielles à l'inscription au registre
Neuf ensembles conservés en Suisse jusqu’ici, donc, de nature et de dimensions variées, avec de belles collaborations entre bibliothèques et centres d’archives. La Commission suisse pour l’Unesco est certainement disposée à entrer en matière pour d’autres propositions.
Nos centres d’archives et nos bibliothèques pourraient former des partenariats pour soumettre des projets tels que, par exemple, les archives illustrant les passages des cols alpins, ou les papiers des savants du siècle des Lumières, ou les ressources servant à étudier l’histoire du protestantisme de langue française ou encore le développement de l’anabaptisme. Les thèmes ayant une dimension internationale ne manquent pas!
Une inscription au registre Mémoire du monde a très certainement une portée vis-à-vis du grand public, à condition de mettre la démarche en valeur par une bonne communication. Elle peut également susciter de la fierté au sein des institutions.
- 1 Voir à ce propos l’article de notre collègue Didier Grange, «Matériel pour une histoire de la SPA» (Section des associations professionnelles de records management et d’archivistique), 2009-2010, en ligne sur le site web du CIA.
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Le programme «Mémoire du Monde» (Gedächtnis der Menschheit / Memory of the World) de l'UNESCO est créé en 1992 «dans le but de sauvegarder le patrimoine documentaire, de faciliter son accessibilité et sa diffusion, et de sensibiliser le public à son importance ainsi qu’à la nécessité de sa préservation». Les archivistes suisses y participent depuis 2007.
Das Programm «Gedächtnis der Menschheit» (Memory of the World / Mémoire du Monde) der UNESCO wurde 1992 ins Leben gerufen «mit dem Ziel, das dokumentarische Erbe zu sichern, seine Zugänglichkeit und Verbreitung zu erleichtern und die Öffentlichkeit für seine Bedeutung und die Notwendigkeit seiner Erhaltung zu sensibilisieren». Die Schweizer Archivare nehmen seit 2007 daran teil.