La Gouvernance de l’information : la confiance à l’heure de la « grande » dématérialisation
A l’heure où les projets de dématérialisation fleurissent, poussés notamment par les enjeux et les défis du travail à distance, il est opportun de réfléchir au cadre général à même de soutenir leur réalisation et leur réussite sur le temps long. La gouvernance de l’information (GI) offre un contexte favorable et durable pour les projets liés à la numérisation de nos sociétés et devient source de confiance à l’heure de cette « grande » dématérialisation.
La GI fait partie intégrante du bon fonctionnement d’une organisation qui génère et utilise des informations et des données, que celles-ci soient sous forme analogique, physique ou numérique. Elle relève des sciences de l’organisation et établit un lien fort entre information et action (une bonne information, pour une bonne action). Elle peut se définir comme une stratégie organisationnelle à même de gérer, de sécuriser, de partager, de conserver, de valoriser et de maîtriser son information. La GI repose sur le cadre normatif du records management ainsi que sur les pratiques éprouvées de l’archivistique. Elle en tire ses assises théoriques et organisationnelles.
Une approche transversale
La GI est une approche transversale qui tient compte des aspects techniques, organisationnels et humains à même de prendre en charge l’entier du cycle de vie de l’information, produite ou reçue par une institution. Elle chapeaute notamment les rôles et responsabilités, ainsi que les opérations à mener et les outils à développer pour qu’un organisme, public ou privé, atteigne une meilleure maîtrise de son information (données et documents), que celle-ci soit structurée ou non structurée et quelles que soient la valeur et la sensibilité (criticité) de cette information.
À l’heure de l’infobésité (ou infodémie massive) et autres problèmes de fiabilité de l’information et de protection des données personnelles, la GI est un outil à même de responsabiliser les producteurs et les usagers de l’information, tout en garantissant sa qualité, sa gestion et sa sécurité dans le temps.
Comme toute gouvernance ou stratégie, la GI s’explicite dans une charte institutionnelle qui formalise son organisation, ses principes et ses missions. Elle pose ainsi un cadre général qui se décline ensuite en documents opérationnels de mise en œuvre qui précisent notamment le contexte légal et réglementaire, les rôles et responsabilités, les règles d’usage de l’information (conservation, données personnelles, classification, qualité, nommage, etc.), etc.
Un cadre général pour minimiser les risques
Authenticité, intégrité, durabilité, traçabilité, représentativité, impartialité, accessibilité dans le temps, telles devraient être les caractéristiques des informations numériques ou celles que nous dématérialisons à grands frais. La GI offre à cette numérisation en marche de nos sociétés le cadre général qui minimise les risques qualitatifs, juridiques, stratégiques et économiques liés à la gestion des informations, des données et des documents.
En effet, la gouvernance de l’information, de par les règles qu’elle édicte et les procédures qu’elle développe, permet le contrôle des processus de saisie et de gestion des informations dématérialisées. Ces processus permettent de garantir la visibilité des données et leur caractère de preuve (source fiable) dans le temps tout en leur conférant les caractéristiques techniques nécessaires (interopérabilité, non-obsolescence, lisibilité, etc.).
Un gage de confiance
Au-delà de ces aspects formels et pratiques, la gouvernance de l’information offre un gage essentiel à la dématérialisation : la confiance. Sans règles de gestion reconnues et appliquées, pas de confiance, sans confiance pas d’acceptation et pas d’éducation à un nouveau paradigme informationnel.
La confiance offerte par la GI renvoie à l’idée que l’on peut se fier à l’information qui nous est présentée, quel que soit son support. L’étymologie du mot confier (confider : cum, « avec » et fidere, « fier ») signifie qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi.1
En termes pragmatiques, la confiance peut être vue comme un mécanisme de réduction des risques que nous évoquions précédemment. La confiance est fondamentale pour le développement de nos sociétés démocratiques où la technocratie prend une part de plus en plus importante. Elle est essentielle pour établir le lien entre un producteur d’une information et son destinataire.
Au service de la numérisation
Cette notion de confiance renvoie à l’idée plus générale de l’information comme un bien commun. Celle-ci devient une richesse à partir du moment où elle est correctement gérée, exploitable et transformée en connaissance. La gouvernance de l’information sert la cause de la numérisation. Elle se pose en rempart contre l’arbitraire, contre l’oubli et contre la perversion et la manipulation des informations. Elle offre à nos sociétés déboussolées par la « grande » dématérialisation, la confiance nécessaire pour « vivre avec », à défaut de ne pouvoir « vivre sans ».
- 1 Marzano, Michela. « Qu'est-ce que la confiance ? », Études, vol. tome 412, no. 1, 2010, pp. 53-63. [en ligne] https://doi.org/10.3917/etu.4121.0053
Résumé
- Deutsch
La gouvernance de l’information (GI) est une stratégie organisationnelle qui permet de gérer, de sécuriser, de partager, de conserver, de valoriser et de maîtriser son information. Elle offre à la numérisation en marche de nos sociétés le cadre général qui minimise les risques qualitatifs, juridiques, stratégiques et économiques. Au-delà de ces aspects formels, elle amène la confiance nécessaire à l’acceptation de la « grande » dématérialisation que nous connaissons depuis une dizaine d’années dans le domaine de l’information et des documents.