Commentaires Résumé
2020/1 Archives et bibliothèques dans les organisations internationales

Interview avec Alain Dubois, nouveau président de l'AAS

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En septembre 2019, lors de la 96e assemblée générale à Schwyz, les membres de l'AAS ont élu Alain Dubois comme nouveau président de l'association. arbido profite de cette occasion pour lui poser quelques questions sur l'avenir de l'AAS et aussi pour un peu mieux apprendre Alain Dubois lui-même.

arbido : Tu es président de l'AAS depuis septembre dernier. Qu'est-ce qui t'a motivé à accepter ce poste ? 
Alain Dubois :
L’engagement au sein de la communauté archivistique est pour moi naturel et inséparable de mon activité professionnelle. Il m’a ainsi permis, ces 15 dernières années, tout autant de maintenir à jour mes compétences métier et d’en développer d’autres que de rencontrer des collègues formidablement motivés et engagés et de tisser progressivement un réseau professionnel local, national et international. Je suis ainsi devenu très rapidement membre de l’AAS après mon premier engagement en tant qu’archiviste, j’ai pu participer durant quelques années aux travaux du groupe de travail Records Management et archivage électronique avant d’être élu membre du comité en 2016. L’élection à la présidence suit cette veine, même si le choix d’un président s’inscrit dans un tournus qui, comme le Conseil fédéral, obéit à certaines règles. Et j’avais, en quelque sorte, la chance d’être le bon candidat au bon moment. Cela étant, ma motivation est double. Il s’agit pour moi non seulement de rendre à l’AAS ce qu’elle m’a apporté au cours des dernières années, mais surtout de pouvoir mettre mes compétences et mon réseau au service de la communauté professionnelle, qui doit faire face aujourd’hui à des défis très nombreux et très passionnants. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

arbido : Qu'est-ce que tu aimes faire quand tu n'es pas "archiviste" ? Que t'apporte ces activités pour l'AAS ? 
Alain Dubois : J’aime tout d’abord partager des moments privilégiés avec ma famille et mes amis. Je pratique également un peu de sport et me ressource par la lecture, la musique et les activités culturelles. Ce sont autant de moments privilégiés qui me permettent de recharger mes batteries et de prendre du recul par rapport à une vie professionnelle trépidante. Elles me donnent en quelque sorte la sérénité nécessaire pour aborder les activités de l’AAS dans d’excellentes dispositions.

arbido : Quelles sont tes priorités en tant que président de l'AAS ? Qu'est-ce qui est particulièrement important pour toi ?
Alain Dubois : Le comité de l’AAS a récemment organisé une retraite de deux jours pour définir la stratégie de l’association pour les six prochaines années. Les priorités qui en découlent sont donc celles du comité et s’inscrivent dans la continuité du très bon travail effectué par les comités précédents. Il s’agit tout d’abord de maintenir l’employabilité des membres de l’AAS durant toute leur carrière, par un renforcement des formations initiales et continues, en collaboration avec toutes les filières de formation et dans un contexte de modification rapide du profil de compétences attendues des archivistes. Il s’agit ensuite de renforcer très clairement le lobbying de l’AAS auprès des autorités politiques. Nous devons en effet réaffirmer avec force notre positionnement au sein de la société suisse, insister sur le rôle social et sociétal qui est le nôtre, en relevant le caractère essentiel des archives pour une conduite efficace, responsable et transparente des affaires, la protection des droits des citoyens et la constitution de la mémoire individuelle et collective. Le centenaire de l’AAS en 2022 constitue en ce sens une formidable opportunité que nous devons absolument saisir. Il s’agit enfin de renforcer les collaborations avec les associations partenaires de l’AAS, aux niveaux national et international, tels, par exemple, BiblioSuisse, Cultura ou le Conseil international des archives. Ce n’est en effet que par la collaboration et les échanges que nous parviendrons à défendre et à renforcer le positionnement des archives et des archivistes au sein de la société. Si j’y crois si fortement, c’est que j’ai eu l’occasion de le pratiquer dans le cadre de mon activité professionnelle et d’en mesurer tous les bénéfices.

arbido : Pourquoi les archivistes - de ton point de vue - devraient-ils devenir membres de l'AAS et s'engager ?
Alain Dubois : Adhérer à l’AAS permet non seulement de s’inscrire dans un réseau de près de 1000 membres individuels et collectifs, issus du public ou du privé, aux compétences diverses et aux profils très différents, mais également de bénéficier d’une offre de formations variées. Par ses groupes de travail, l’AAS permet par ailleurs d’apporter conseil et soutien à tout archiviste ou tout services d’archives qui aurait des problématiques très spécifiques à résoudre. Par ses activités, elle permet de même de se retrouver pour des moments d’échanges et de partages ou de débattre des enjeux professionnels – j’apprécie du reste beaucoup cet espace de débats qui permet de se confronter à d’autres opinions et d’évoluer dans sa pratique quotidienne. L’AAS demeure ainsi incontournable pour tout professionnel qui souhaite évoluer à tous les niveaux dans son métier.

arbido : Le monde des archives change beaucoup en ce moment. La numérisation affecte tous les domaines de notre profession. Comment l'AAS peut-elle et voudrait-elle soutenir ses membres dans ce processus ?
Alain Dubois : L’AAS doit accompagner ce changement de paradigme, voire cette véritable révolution, de plusieurs manières, quand bien même les fondamentaux du métier ne changent pas : en renforçant tout d’abord les formations théoriques et surtout pratiques, accessibles à tous, dans les domaines de la gestion des documents sous forme électronique, l’archivage électronique, l’accès aux contenus numériques et les Digital Humanities ; en favorisant ensuite les échanges et les retours d’expérience entre archivistes au sein de l’AAS, lors de journées d’études dédiées, mais aussi avec des structures externes, telles que, par exemple, le Centre de coordination pour l’archivage à long terme de documents électroniques ; en renforçant enfin les échanges et la collaboration avec les autres associations professionnelles concernées par la révolution numérique. Cette ouverture ne pourra être que bénéfique pour l’AAS, les archives et les archivistes, car elle les forcera à interroger leurs pratiques et à les faire sans doute évoluer pour, au final, leur permettre de remplir au mieux les missions qui sont les leurs : apporter conseil et soutien en matière de gestion des documents d’une part, collecter, conserver, communiquer et mettre en valeur le patrimoine documentaire sous forme numérique d’autre part.

arbido : Où vois-tu l'AAS dans 10 ans ?
Alain Dubois : L’AAS sera une association toujours aussi dynamique, qui permettra à ses membres de bénéficier d’une offre de formations large et variée à même de garantir leur employabilité tout au long de leur carrière professionnelle, malgré la très grande diversification que le métier aura connu dans l’intervalle, et qui sera un partenaire connu et reconnu comme incontournable par les autorités politiques dans les domaines de la gouvernance de l’information et de l’archivage électronique. De manière un peu provocatrice, je dirais que nous nous serons aussi posés la question de savoir si l’AAS constitue toujours le bon niveau pour une profession de plus en plus écartelée entre des besoins de plus en plus différents, voire antagonistes : quel sera en effet, en 2030, le dénominateur commun entre un·e archiviste en charge d’un fonds ancien d’une abbaye, un·e chief information officer d’une multinationale active dans le domaine des biotechnologies, un·e data analyst en charge de la curation des données dans une université ou un centre de recherche, un·e community manager en charge de la promotion d’un service d’archives sur les médias sociaux ou un·e responsable des projets de Digital Humanities ? Le paysage des associations professionnelles n’aura-t-il en effet pas évolué à l’image du numérique qui rend aujourd’hui de plus en plus poreuses les frontières entre institutions de conservation du patrimoine (archives, bibliothèques ou musées) ?