Archivage des dossiers médicaux électroniques dans le Canton de Genève
Le passage au support électronique menace la continuité de séries de documents se poursuivant parfois depuis plusieurs siècles. Les solutions d’archivage électronique à long terme qui se mettent en place en Suisse visent à offrir des solutions de conservation quel que soit le support. Nous vous présentons ici la réponse apportée à ce problème par les Archives d’Etat de Genève (AEG) et les Hôpitaux universitaires genevois (HUG).
Institution publique, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) sont soumis à la Loi genevoise sur les archives publiques (LArch)1 et leurs documents historiques sont par conséquent conservés aux Archives d’État de Genève (AEG). Une convention spécifique régit le sort des dossiers médicaux soumis au secret professionnel2, qui a pour particularité de ne pas s’éteindre avec le décès des parties concernées (patient et médecin).
Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont été créés en 1995 en fusionnant l’Hôpital cantonal (fondé en 1856) avec d’autres institutions publiques, notamment la Psychiatrie et la Gériatrie. Premier hôpital universitaire de Suisse en volume d’activité, ils regroupent aujourd’hui 8 hôpitaux, 2 cliniques et 40 consultations ambulatoires et comptent plus de 11'000 collaborateurs.
Les dossiers papier sont conservés aux Archives centrales des HUG pendant 20 ans après le dernier passage du patient. Ils sont ensuite versés aux AEG, qui conservent ces dossiers depuis le milieu du 19e siècle. Complètes jusque vers 1950, les séries concernées ont ensuite dû être échantillonnées, d’abord en ne retenant que les dossiers dont le nom du patient commence par la lettre B, puis seulement les années paires parmi ces derniers. En dépit de cette sélection drastique, les fonds en provenance des hôpitaux représentent près de 10% de tous les documents gérés par les AEG, soit environ 3 kilomètres linéaires.
Depuis les années 1990, les HUG développent leur Dossier patient intégré (DPI) sous forme informatique. En 2007, le changement de paradigme se concrétise avec l’installation d’une centrale de numérisation et l’abandon du microfilmage. Plusieurs services médicaux optent dès lors pour la numérisation rétrospective de leurs dossiers papier afin d’alimenter le DPI. En parallèle, de plus en plus d’éléments sont intégrés nativement dans ce dernier, soit via un formulaire de saisie pour les professionnels, soit en transmettant des données automatiquement depuis les appareils médicaux: suivi des paramètres vitaux, résultats d’analyse de laboratoire, etc. Il devient inutile de tenir un dossier double sur papier. Le DPI est alors reconnu comme «le dossier original» par les instances dirigeantes des HUG. Les rares documents qui n’existent pas dans le DPI ou en provenance de l’extérieur sont scannés et chargés dans le système. Cette évolution ouvre la voie au dossier patient «tout numérique» et, d’entente avec les AEG, à la destruction des documents papier directement après numérisation.
Dès 2011, les AEG et les Archives centrales des HUG étudient la manière de garantir la continuité des séries hospitalières conservées malgré le changement de support. Les AEG sont alors en train de mettre en place leur projet d’archives électroniques «Galatae», basé sur la norme OAIS, en collaboration avec les Archives fédérales suisses3. Il s’agit donc de développer un processus venant s’appuyer sur cette solution pour permettre l’extraction des documents et des données des serveurs des HUG, leur mise en forme et leur transfert sur la plateforme de pérennisation, tout en garantissant la sécurité absolue de ces données sensibles.
L’unité documentaire traitée est l’épisode de soins (EdS), c’est-à-dire un séjour (ou un traitement ambulatoire) d’un patient dans un service médical donné. Par analogie avec l’échantillonnage pratiqué sur les dossiers papier, seuls sont sélectionnés les EdS de patients dont le nom commence par la lettre B. Pour des raisons de maîtrise du volume des données et par conséquent des coûts, ne sont conservés sur cet ensemble que les dossiers dont le numéro de patient est un multiple de 4. Le développement aura finalement demandé plusieurs années et confronté le projet Galatae aux problèmes concrets de l’archivage électronique à long terme: mise en place de canaux de transfert sécurisés, sélection des métadonnées accompagnant les documents, développement des applications produisant des documents au format PDF/A-1b de qualité, ainsi que des SIP4 correspondant aux spécifications données. Depuis mars 2018, la solution mise en place est fonctionnelle et l’automatisation est désormais totale du côté des HUG. Les SIP créés sont régulièrement déposés sur la plateforme de pérennisation développée.
Ce processus a tout d’abord pour objectif de documenter les activités d’une institution, les HUG, et l’évolution de la médecine; la pratique de l’échantillonnage répond aux besoins de cette vision générale. Un deuxième objectif, plus sensible, concerne la traçabilité des internements administratifs. Suite à l’affaire des enfants placés, les institutions et le monde politique ont pris conscience de l’importance pour les individus ayant subi des décisions des autorités de pouvoir retracer leur parcours de vie. Par conséquent, une gestion particulière a été mise en place pour les dossiers hospitaliers psychiatriques (papier ou électroniques) de façon à permettre une conservation intégrale de cet ensemble et pouvoir répondre le cas échéant aux demandes des personnes concernées.
Grâce à une collaboration fructueuse entre les institutions concernées et leurs services informatiques la conservation à long terme des dossiers médicaux des HUG, tout support confondu, est désormais assurée.
- 1 Loi sur les archives publiques (LArch), B 2 15, https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/rsg_b2_15.html
- 2 Code pénal Suisse, RS 311.0, art. 321, https://www.admin.ch/opc/fr/classified- compilation/19370083/index.html#a321
- 3 http://ge.ch/archives/actualites/archives-detat-conservent-desormais-donnees-nees-numeriques
- 4 Standard Information Package, défini dans le modèle OAIS.
Résumé
- Français
- Deutsch
Le passage au support électronique menace la continuité de séries de documents se poursuivant parfois depuis plusieurs siècles. Les solutions d’archivages électroniques à long terme qui se mettent en place en Suisse visent à offrir des solutions de conservation quel que soit le support. Nous vous présentons ici la réponse apportée à ce problème par les Archives d’Etat de Genève (AEG) et les Hôpitaux universitaires genevois (HUG).
Der Übergang zu elektronischen Datenträgern gefährdet die zuweilen über Jahrhunderte andauernde Kontinuität der Dokumentenserien. Es braucht neue Konzepte für die langfristige Archivierung. Das Staatsarchiv des Kantons Genf (Archives d’Etat de Genève, AEG) und die Genfer Universitätsspitäler (Hôpitaux universitaires genevois, HUG) haben eine Lösung für die elektronischen Patientendossiers entwickelt.