De la montagne au montagnard: invention d'un type humain
Interview de Bernard Debarbieux, professeur à l’Université de Genève
arbido: La Convention alpine, entrée en vigueur en 1995, est le premier traité de droit international au monde visant à assurer la protection d’une région de montagne. Ainsi, une région de montagne est pour la première fois définie au-delà des frontières nationales comme une unité géographique fonctionnelle et comme un espace culturel et économique appelés à relever des défis communs. Comment s’explique cette reconnaissance relativement tardive de la montagne comme espace culturel notamment?
Bernard Debarbieux: L’histoire des variations de l’acception de la notion de montagne n’est pas très connue. Or, cette notion a été appréhendée dans nos sociétés contemporaines comme autant de figures imaginaires, capables d’instituer des formes sociales et géographiques spécifiques.
On peut facilement illustrer cette diversité avec trois auteurs des derniers siècles, les différentes façons qu’ils ont de penser la montagne et les populations qui leur sont associées.
Il y a tout d’abord Buffon, qui consacre en 1749 un volume de son Histoire naturelle générale et particulière à l’espèce humaine. Comme beaucoup de ses contemporains, Buffon y postule l’unité fondamentale de l’espèce humaine, les variations anatomiques et culturelles étant expliquées par la variété des «climats». Quant aux moeurs des populations, ils se seraient diversifiés en vertu du même principe d’acclimatation aux différents milieux ainsi qu’en fonction du type de nourriture que chacun rendait possible. Pour ces raisons, Buffon spécifie un type d’être humains, les montagnards, qui présentent des caractéristiques spécifiques, notamment culturelles, résultant du climat de montagne.
A cette acception naturaliste de l’identité s’oppose Jean Célérier qui, dans un texte édité en 1936 à l’occasion du 9e Congrès de l’Institut des Hautes Etudes Marocaines, propose une réflexion rare pour son époque sur la notion de montagne et développe une analyse politique du rôle des représentations du territoire marocain dans la façon de penser et de structurer la société marocaine. Il estime également que l’entité Atlas n’a pas de sens pour la majorité de ses habitants, davantage soucieux de circonscrire les aires de proximité qu’ils fréquentent régulièrement. Célérier conclut que l’identification d’un massif de montagne désigné par un terme unique, à savoir l’Atlas, procède d’une lecture naturaliste adoptée par le pouvoir colonial pour mieux organiser sa gestion de la société marocaine et le contrôle de son territoire. Il souligne aussi que les populations qui habitent l’Atlas ont été pensées comme un tout, rapportées à une caractéristique ethnique et linguistique – les Berbères – par cette même science coloniale dont il est un illustre représentant.
Quant à Elisabeth A. Byers, elle publie en 1998 un article présentant le Forum de la Montagne (Mountain Forum). Les acteurs de ce forum sont, selon elle, des individus mobilisés autour d’un projet à l’échelle planétaire, sur la base d’un engagement commun de leurs habitants et de ceux qui se présentent comme leurs avocats. L’adhésion au Forum de la Montagne est donc principalement pensée par Byers comme l’expression d’une identité collective d’individus qui partageraient des représentations, des savoirs et des expériences relatifs à un même type d’environnement.
On pourrait donc être tenté, sur la base de ces trois textes, d’y voir le signe du renouvellement des approches de la culture: de la culture comme fait de nature à la culture comme construction intersubjective, en passant par la culture comme fait institutionnel, un paradigme en chassant un autre?
Certes. Je propose néanmoins de considérer la structure de chacun de ces récits comme une illustration d’imaginaires différents de la territorialité qui peuvent coexister et être combinés dans des logiques d’action qui tendent à singulariser les entités sociales et géographiques. Je suggère donc qu’une modalité du renouvellement des approches culturelles en géographie réside dans l’identification des sociétés contemporaines de plusieurs conceptions de la territorialité qui s’enracinent dans plusieurs moments et plusieurs paradigmes de la géographie et des disciplines voisines.
Qu’en est-il donc de la construction des identités sociales et collectives des «montagnards»?
De nombreux historiens ont montré que la catégorie du «montagnard» devait bien peu à ses représentants mais beaucoup au discours philosophique et naturaliste du XVIIIe siècle. Cette identité, naturalisée, connaît une forte diffusion dans les sociétés modernes à la faveur du développement de la littérature populaire et touristique, et des travaux de vulgarisation, notamment pour les publics scolaires. Le «montagnard», tout comme d’ailleurs les «ouvriers», la «bourgeoisie» ou les «paysans», a donc participé de ces types sociaux que les sociétés européennes adoptaient pour penser leur diversité et construire leurs mythologies populaires et nationales. Le substantif «montagnard» a ainsi essentiellement servi à désigner des populations appréhendées de l’extérieur.
On observe ensuite, à partir du milieu du XIXe siècle, l’adoption du terme «montagnard» à des fins d’autodésignation par deux types de protagonistes: d’abord les alpinistes et autres adeptes de sports dits «de montagne», ensuite par les représentants des populations elles-mêmes. Le processus d’autodésignation à l’aide du terme «montagnard» intervient d’abord chez les alpinistes. Certes, aux premiers temps de l’alpinisme, ce furent les guides de haute montagne, habitants des hautes vallées alpines les plus recherchées par les touristes, dans lesquels on a vu des «montagnards» par excellence. Mais l’apparition d’un alpinisme plus sportif et la montée en force des clubs alpins, britanniques, puis continentaux, à partir des années 1850, a conduit une nouvelle génération de touristes à revendiquer le titre. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les termes «montagnard» ou «mountaineer» désignent plus souvent les touristes alpinistes, de leur propre initiative, que les populations résidentes.
Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer dans ce processus d’appropriation de l’appellation, l’influence des relations souvent étroites que les alpinistes et les clubs alpins entretiennent avec les milieux scientifiques et l’administration.
Comment les populations locales se positionnent-elles face à ces appellations?
La reprise par les populations locales de l’appellation «montagnard» apparaît à la fois plus tardive et plus lente, mais aussi largement subordonnée à des enjeux de reconnaissance politique dans des contextes nationaux hétérogènes. Il semble en effet que ces populations ne commencent à revendiquer l’appellation qu’à la fin du XIXe siècle, et encore dans les seules régions touristiques où elles protestent contre l’indifférence manifeste de certains touristiques à leur égard.
Un autre phénomène important va ensuite intervenir, qui aura une influence prépondérante sur le processus d’identification des populations de montagne, je veux parler du moment où la montagne commence à devenir un objet de politiques publiques en Suisse, à partir des années 1920. Le dépeuplement de ces régions, observé depuis le milieu du XIXe siècle, devient en effet une source d’inquiétude à cette époque et suscite des propositions de lois destinées à en atténuer les causes et les effets. Des lobbies se constituent dans la foulée, comme par exemple, à partir de 1943, le Groupement suisse des paysans de montagne, qui se présentait alors comme l’émanation officielle des populations montagnardes de Suisse. On observe une configuration comparable en France, quoique près d’un demi-siècle plus tard, avec l’adoption d’une «Loi Montagne» en 1985.
Il faut enfin souligner que le transfert progressif des compétences en matière de politiques publiques au niveau de l’Union européenne conduit à une structuration comparable des lobbies et des groupes de pression politiques. Je mentionnerai ici à titre d’exemples le groupe de travail Euromontana créé en 1974, des associations nationales d’élus de la montagne comme l’ANEM en France et l’UNCEM en Italie, qui ont mis sur pied en 1993 une Association Européenne des Elus de Montagne (AEM).
L’ensemble de ces initiatives participe de deux processus identifiés depuis longtemps par les sciences sociales, à savoir: un processus social de conversion d’identité sociale dépréciative en identité collective d’affirmation, l’auto-définition identitaire de groupes concernés transformant les motifs de la stigmatisation en source d’identification et de fierté collective; un processus politique d’institutionnalisation, notamment sous la forme de lobbies, visant à peser dans les processus démocratiques au nom d’une légitimité acquise à l’aide des identités sociales largement partagées.
Les initiatives que nous venons de mentionner visent chacune à leur manière – parfois antagoniste – à défendre ou à promouvoir des types d’usage de la montagne susceptibles d’en infléchir les caractères. On observe par exemple dans ce contexte que les associations d’élus cherchent en particulier à alléger le poids des contraintes environnementales, tandis que la Convention alpine et d’autres acteurs qui s’en réclament cherchent à généraliser un mode de développement durable respectueux de l’environnement.
La mondialisation culturelle a elle aussi influé sur ces identités sociales et collectives que l’on a attribuées aux populations de montagne ou que ces dernières se sont appropriées. On constate en effet depuis une quinzaine d’années un processus similaire à celui observé en Europe tout au long du XXe siècle, processus qui se déploie à l’échelle du globe et qui suscite la requalification des «montagnards» et de nouvelles attitudes dans les modes d’auto-désignation des populations concernées.
Comment ses sont positionnées les populations concernées face à l’invitation qui leur était faite de se penser comme montagnardes et de contribuer à ce titre à des politiques de développement durable conçues à l’échelle mondiale?
Elles ont de fait adopté plusieurs attitudes très différentes.
Une première attitude a constitué à tirer profit de ce contexte nouveau pour conduire des initiatives locales en partenariat avec des organisations intergouvernementales, des ONG ou des administrations de la coopération, comme la DDC suisse. Une deuxième attitude a consisté pour ces populations à s’impliquer dans des partenariats à distance et à s’organiser dans des réseaux régionaux et transnationaux. Je mentionnerai ici à titre d’exemples des programmes d’échanges entre habitants de différentes chaînes de montagne, comme HimalAndes et SANREM; des réseaux d’échanges d’informations, à l’image du Forum de la Montagne mentionné plus haut; enfin, des centres de ressources ont été mis sur pied à l’échelle régionale, comme l’ICIMOD pour la grande région himalayenne ou encore CONDESAN pour les Andes.
Des initiatives similaires ont été prises dans les régions de montagnes européennes: dans le sillage de la Convention alpine et à l’initiative de la CIPRA (Commission Internationale pour la Protection des Alpes), une association de communes, Alliance dans les Alpes, créée en 2007, s’est donnée pour objectif de promouvoir le développement durable à son échelle.
Une troisième attitude a consisté pour certains à s’organiser en réaction aux initiatives mondiales décrites plus haut, comme l’Association des Populations de Montagne du Monde (APMM) (voir encadré). Cette association, créée en 2001, vise à se poser comme interlocuteur privilégié des organisations internationales afin de garantir le droit de parole et l’autonomie de décision des principales populations concernées.
Cette façon de faire référence à la montagne dans la construction de nouvelles identités collectives ne conduit-elle pas à penser que le registre stato-national, institutionnel donc, de la territorialité montagnarde est devenu obsolète? Quid, notamment, de l’Espace alpin?
Au contraire, on a observé que si certains pays, pour lesquels la référence à la montagne constitue un élément important de leur propre identité ou un enjeu intérieur décisif en matière de développement, la Suisse et la France notamment, avaient joué un rôle décisif dans ce processus de mondialisation, ils n’en privilégient pas moins leur propre politique «montagne», que ce soit à l’échelle nationale ou européenne, et suscitent quantité d’initiatives d’acteurs locaux. C’est justement dans ce contexte que s’inscrivent la Convention alpine ainsi que les initiatives d’associations environnementales tels que le WWF et la CIPRA. Cette façon de procéder a été adoptée par des groupes d’habitants qui défendent l’idée que de nouveaux collectifs sociaux doivent émerger et s’organiser à l’échelle des massifs de montagne dont ils relèvent. Cette idée est par exemple sous-jacente aux activités de l’association Alliance dans les Alpes.
Interview menée par Stéphane Gillioz, rédaction arbido
Contact: bernard.debarbieux@unige.ch
L’Association des Populations des Montagnes du Monde
L’APMM est l’expression, à l’échelle mondiale, du mouvement multiséculaire de solidarité des montagnards. La montagne a en effet une longue tradition de solidarité. Sans elle les populations de montagne n’auraient pu survivre et progresser dans un environnement très difficile et très contraignant. La solidarité s’est inscrite d’abord dans les communautés traditionnelles de montagne. Mais avec l’ouverture sur le monde, ces communautés ont pris conscience que d’autres territoires de montagne étaient confrontés aux mêmes défis et qu’il était donc souhaitable de coopérer à la mise en oeuvre de solutions communes. Mais aussi que leur destin se jouait également au niveau national, là où se prennent les décisions qui engagent l’avenir de leurs territoires, et qu’il fallait en conséquence être présent à ce niveau. Enfin, que l’évolution de la montagne n’était pas simplement un enjeu pour les populations qui les habitent mais pour toute l’humanité en raison de l’apport exceptionnel de ces territoires (près de 35% de la superficie des continents, 15% de la population mondiale) à l’environnement, à la culture mondiale, à l’économie, et que dès lors la cause de la montagne avait une dimension universelle qui appelait une intervention de la communauté internationale.
C’est à partir de ces trois constats que les montagnards ont été conduits à mettre en place des formes nouvelles de solidarité et d’organisation. Celles-ci ont d’abord pris naissances dans des pays de montagne d’Europe (Suisse, Italie, France, etc.) où sont nées des associations d’agriculteurs de montagne, puis de collectivités territoriales, au niveau national d’abord, puis européen. Ce processus s’est par la suite étendu à l’ensemble de la planète après la réunion en juin 2000 – à l’initiative de l’Association Nationale des Elus de la Montagne et de Chambéry – d’un Forum Mondial de la Montagne qui a donné naissance quelques mois plus tard à l’APMM (avril 2001). Celle-ci se voyait alors confier une double mission: l’ouverture d’un espace de coopération et d’échange entre territoires de montagne pour partager connaissances et moyens, la création d’un outil d’expression et d’action international pour promouvoir des actions et politiques à la hauteur des nouveaux défis que doit affronter la montagne.
Résumé
- Deutsch
Es ist allgemein nicht so bekannt, dass sich die Vorstellungen darüber, was «die Berge» seien, immer wieder verändert haben. Das kann man allein schon an den Autoren ablesen, die über die Alpen geschrieben haben, von Buffon Mitte des 18. Jahrhunderts über Jean Célérier (der 1936 postulierte, vereinheitlichende Landschaftsbezeichnungen wie etwa «Atlas» seien von den Kolonialmächten eingeführt worden, um die marokkanische Bevölkerung politisch besser einteilen und sozial, sprachlich und ethnisch kontrollieren zu können), bis hin zu Elisabeth A. Byers, die 1998 das Mountain Forum vorstellte als eine Vereinigung von Individuen, die dieselben Vorstellungen, dasselbe Wissen und dieselben Erfahrungen in Bezug auf einen Typus von Umgebung teilen. Die Texte sind ein Hinweis darauf, dass die neue Sicht der Geografie auf die kulturelle Prägung durch den Lebensraum darin begründet liegt, dass moderne Gesellschaften verschiedene Vorstellungen von Territorialität haben, die vielfältigen Ursprungs sind und sich nicht nur auf die Geografie, sondern auch auf verwandte Gebiete stützen.
Es gibt zahlreiche Historiker, die belegt haben, dass die Kategorie «Bergler» weniger mit den eigentlichen Vertretern dieser Gruppe zu tun hat, als vielmehr mit dem philosophischen und naturalistischen Diskurs des 18. Jahrhunderts. Die Vorstellungen vom «Bergler» wurden durch Populär- und Fremdenverkehrsliteratur verbreitet. Die «Bergler» halfen den europäischen Gesellschaften (ähnlich wie «die Arbeiter», «die Bauern» oder «die Bourgeoisie»), sich als divers zu sehen und ihre folkloristisch-nationalen Mythen zu kreieren. Das Substantiv «Bergler» diente in erster Linie dazu, Bevölkerungen zu kennzeichnen, die von aussen wahrgenommen wurden.
Ab Mitte des 19. Jahrhunderts war «Bergler» dann eine Selbstbezeichnung von einerseits Alpinisten und anderen Alpinsportlern und andererseits von den in den Bergen lebenden Menschen selbst. Waren es zu Beginn noch die Bergführer und Bewohner der hochgelegenen Alpentäler, die als «Bergler» galten, erweiterte sich der Begriff ab 1850 mit dem Aufkommen des (v.a. britischen, erst dann kontinentalen) Fremdenverkehrs sowie des Alpinsports und der Alpenclubs auf diese neue Generation von Touristen. In der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts bezeichnete «Bergler» eher diese Alpintouristen als die einheimische Bevölkerung. Letztere nahm die Bezeichnung später und auch langsamer an, nicht selten aus Protest und als Abgrenzung gegen die Auswüchse des Tourismus.
Ab 1920 dann wurden die Berge in der Schweiz zu einem Politikum. Die Entvölkerung der Bergregionen sorgte für Unruhe, es bildeten sich erste Lobbys. Die Berge wurden schliesslich immer stärker zu einem Thema, das unter einer gesamteuropäischen Perspektive gesehen wird, mit Herausbildung von entsprechenden Interessegruppierungen. Nicht selten stehen unterschiedliche Auffassungen, wie die Berge zu nutzen sind, im Widerstreit, Umweltschutzüberlegungen und Überlegungen zu einer nachhaltigen Nutzung der Berggebiete kommen auf.
Die kulturelle Globalisierung hat die sozialen und kollektiven Identitäten, die man den «Berglern» zuweist (oder die sie sich selbst zuweisen), ebenfalls beeinflusst.
Einerseits versucht die Bergbevölkerung, den neuen Status (nachhaltige Entwicklung, Intaktheit, globale Sicht) zu nutzen, um lokale Initiativen zu starten in Partnerschaft mit zwischenstaatlichen Organisationen oder NGOs, andererseits organisieren sich die «Bergler» in transregionalen oder transnationalen Netzwerken. Es gibt zudem Bestrebungen, sich als bevorzugter Gesprächspartner von internationalen Organisationen zu positionieren, um sich ein Mitspracherecht und eine Entscheidungsautonomie der direkt betroffenen Bevölkerungen bewahren zu können.
Wir stellen fest, dass gerade Länder, für die der Bezug auf und die zu den Bergen ein wichtiges, identitätsstiftendes Element darstellt (besonders die Schweiz und Frankreich), eine wichtige Rolle bei der Globalisierung spielen. Die Alpeninitiative ist in diesem Kontext zu sehen, ebenso Initiativen von Umweltorganisationen wie WWF oder CIPRA. Deren Vorgehensweise wurde von Bevölkerungsgruppen übernommen, welche für die Idee von neuen sozialen Kollektiven eintreten, die sich in den Berggebieten organisieren sollen, in denen sie zu Hause sind.
(Übersetzung: Rolf Hubler)
Das Interview wurde geführt von Stéphane Gillioz, Redaktion arbido