Commentaires Résumé
2013/2 Etudes de genre et I+D

L’information documentaire: une affaire de «genre» ou de compétences et d’aptitudes particulières?

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J’ai débuté ma carrière il y a une trentaine d’années, d’abord en bibliothèque, puis dans la documentation. Bien que ce milieu professionnel soit en grande partie féminin, je ne me suis jamais vraiment posé la question du «genre» dans les métiers de l’information documentaire. Le fait en tant qu’homme de travailler avec des femmes – soit à niveau égal, soit comme responsable – n’a pas été une question, ni un problème pour moi, mais est vécu comme quelque chose de positif. En tant que responsable, j’ai toujours essayé de trouver le meilleur équilibre possible hommesfemmes dans les équipes que j’ai dirigées, mais ce n’est pas le seul critère.

Les professions de l’information documentaire sont essentiellement féminines (à 80% selon les chiffres donnés par l’ADBS et la SERDA en France), une explication donnée par ces études est qu’à l’origine, le faible niveau de rémunération de ces métiers perçus comme essentiellement techniques n’intéressaient pas la gente masculine, les directions d’établissements ou d’institutions documentaires étant elles souvent occupées par des hommes …  Evidemment, ce n’est pas la seule explication.

Depuis 20 ans, la situation a évolué avec l’intérêt plus grand pour ces métiers montré par les hommes, une des explications serait la montée des technologies et de l’informatique. On peut considérer ces éléments comme anecdotiques ou factuels, mais ils contiennent une part de vérité. On voit également un grand nombre de femmes accéder à des postes de direction. Pour ma part, en 30 ans de carrière, je ne peux pas dire qu’il y a des grandes lignes que l’on retrouve systématiquement: il y a d’excellentes bibliothécaires-système tout comme certains bibliothécaires, documentalistes ou archivistes hommes sont très doués pour l’accueil du public, la recherche d’information, activités qui pourraient être vues comme féminines avec le soin apporté à la relation au public ... De même, les postes de direction sont parfois très bien occupés par des hommes ou par des femmes, indifféremment. Un article récent dans la presse managériale indiquait que les femmes sont plus à même, de par leur manière d’être et d’appréhender le monde, de diriger que les hommes. A mon sens, il s’agit d’une capacité d’écoute ou un sens de l’empathie qu’un homme peut très bien montrer et qui n’est pas propre au genre féminin. Le «genre» à mes yeux n’est donc pas plus important en information documentaire que dans d’autres secteurs.

Peut-on dire que nos métiers sont par essence plus féminins que masculins ou l’inverse? Je ne crois pas. Outre les facteurs historiques ou économiques, c’est plutôt – ou peut-être – dans la représentation que le public ou les employeurs peuvent s’en faire. Dans un des postes que j’ai occupé dans le milieu hospitalier dans les années 1995 en région parisienne, j’étais le premier documentaliste masculin à occuper ce poste. Une secrétaire médicale à mitemps en avait auparavant la charge. Un de mes premiers échanges verbaux avec un des chefs de service de l’hôpital venant au centre de documentation m’a particulièrement marqué. En effet, sa première réflexion – outre le fait qu’il fut très surpris que je ne fasse pas les photocopies d’articles médicaux qu’il demandait –  quand il me vit fut: «Ah, vous occupez ce poste? N’est-ce pas une occupation à mi-temps pour une femme?» et il a poursuivi: «C’est un travail qui nécessite une vie intérieure très riche». Sept ans plus tard, lors de mon départ vers d’autres cieux, ce même chef de service fut le premier à regretter que je quitte ce poste … Lors d’une autre occasion, je fus invité avec mon directeur pour un entretien sur une radio locale, l’objectif de l’émission était de parler des nouveautés dans le milieu hospitalier. En préparant l’émission, le journaliste parle de bibliothèques et de bibliothécaire, il est repris aussitôt par mon directeur qui indique: «Non, nous avons recruté un documentaliste – il insiste sur «un» – car nous souhaitions un homme dans ce rôle.» Ce fut une des rares fois où cet élément de genre fut mentionné dans ma carrière … Cependant, les «a priori», les images préconçues ont la vie dure, particulièrement par rapport aux métiers de l’information qui véhiculent de nombreux clichés, la plupart du temps injustifiés et très réducteurs.

A mon sens, plus que le «genre» lui-même, nos métiers reposent sur des compétences, aptitudes et qualités pro
fessionnelles qui leurs sont propres: sens de l’écoute et du public, curiosité intellectuelle, bon niveau de culture générale, intérêt pour les technologies et la nouveauté, maîtrise des techniques documentaires, etc. J’en oublie certainement, mais ce sont pour moi les principales. Tout homme ou toute femme est à même de les posséder et de les développer.

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Jean-Philippe Accart

directeur des études du Master ALIS des Universités de Berne et Lausanne, chargé de recherche à Bibliothèques et Archives de la Ville de Lausanne

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In diesem Testimonial beschreibt der Autor seine Berufserfahrungen als Fachmann im Bereich Information und Dokumentation aus einer Geschlechtersicht. Er wendet sich gegen die Aussage, diese Berufe seien grundsätzlich eher weiblich als männlich. Er ist der Meinung, die Berufe seien weniger durch das «Geschlecht», als vielmehr durch Kompetenzen, Fähigkeiten und berufliche Leistungen geprägt, die für das Metier typisch sind: ein offenes Ohr haben und wissen, wie das Publikum «tickt», geistige Neugier, gute Allgemeinbildung, Interesse für Technologien und Neues, Beherrschen von Dokumentationstechniken und anderes mehr. Jeder Mann und jede Frau kann diese Fähigkeiten besitzen und sie weiterentwickeln.