Commentaires Résumé
2006/1 Memopolitik – vom Umgang mit dem Gedächtnis der Gesellschaften

La mémoire documentaire en Europe et dans le monde

Commentaires Résumé

Si les expressions «memopolitik» ou «politique de la mémoire» sont généralement comprises dans le sens de mémoire historique par rapport à un événement ou à une période historique («Politique de mémoire» signifie souvent «devoir de mémoire» par rapport à un événement tragique survenu dans l’histoire d’un pays ou d’un peuple: c’est le cas, par exemple, du devoir de mémoire suite à la période de la Deuxième guerre mondiale et des exactions commises contre le peuple juif), l’expression «mémoire documentaire», plus appropriée, est définie par l’Unesco dans son programme lancé en 1992 «Mémoire du monde» comme étant la préservation du patrimoine documentaire.

En 1984, la Fédération internationale des bibliothèques (IFLA) avait lancé son programme PAC (Activity on Preservation and Conservation) et collabore maintenant avec l’Unesco. Depuis, d’autres initiatives ont vu le jour, notamment les programmes mis en place par l’Union européenne avec eEurope, i2010 Digital Libraries, MinervaPlus ou Michael.

Cette démarche s’inscrit dans un cadre plus général, celui de la Société de l’Information. Les projets de bibliothèques numériques qui se multiplient sont une des conséquences de cette prise de conscience. Cet article aborde volontairement la question des collections de documents imprimés ou iconographiques numérisés ou en cours de numérisation, sans aborder celle des documents numériques et de leur conservation qui fait l’objet d’autres initatives telle International Internet Preservation Consortium (IIPC)International Internet Preservation Consortium (IIPC): http://www.netpreserve.org/about/index.php..

L’Unesco et «La Mémoire du Monde»

L’Unesco1, organe des Nations-Unies pour l’éducation et la culture, souhaite, avec son programme «Mémoire du Monde», sensibiliser la communauté internationale à la richesse du patrimoine documentaire, à la nécessité d’assurer sa conservation pour les générations futures et le rendre ainsi accessible à un large public.

Ce programme, ambitieux car semblant ne pas avoir de fin, attire l’attention du public sur l’importance de ce patrimoine, au moins aussi digne d’intérêt que le patrimoine artistique. A titre d’exemple, de nombreux dangers menacent ce patrimoine: guerres, destructions, incendies, catastrophes naturelles entraînent parallèlement des disparitions de pans entiers de l’histoire documentaire de l’humanité. L’ouvrage de Lucien X. Polastron paru en 2004, au titre évocateur (Livres en feu: histoire de la destruction sans fin des bibliothèques) fourmille d’exemples de toutes sortesLivres en feu: histoire de la destruction sans fin des bibliothèques/Lucien X. Polastron. – Paris: Denoël, 2004. – 430 p. – ISBN 2-207-25573-5: 22 euros.en la matière. L. X. Polastron donne les raisons de certaines de ces destructions: détruire le savoir pour mieux gouverner (Chine ancienne, Allemagne de l’époque nazie...); l’invasion de nouveaux territoires (Empire aztèque...); la mise en danger du pouvoir politique en place. D’autres raisons existent, encore moins avouables que les précédentes, tel le pillage culturel de pays colonisés (notamment la France au Vietnam, en Egypte ou en Italie) avec la question lancinante de la restitution des biens culturels «empruntés». Le constat est peu glorieux pour l’humanité.

Selon l’Unesco, le patrimoine documentaire déposé dans les bibliothèques et les archives représente un volet essentiel de la mémoire collective; il reflète la diversité des langues, des peuples et des cultures. Mais cette mémoire est fragile et une partie de ce patrimoine disparaît régulièrement par accident ou vieillissement des supports.

L’idée qui a prévalu lors de la mise en œuvre du programme «Mémoire du Monde» est l’affirmation solennelle que le patrimoine documentaire du monde appartient à tous et qu’il est nécessaire de favoriser sa préservation et son accessibilité. Il convient, dans un premier temps, d’identifier les éléments documentaires d’intérêt universel, de sensibiliser à l’importance de ce patrimoine, puis d’en faciliter la conservation et l’accès pour le bénéfice des populations humaines actuelles et futures. Les moyens mis en œuvre par l’Unesco pour y parvenir sont divers: ils vont de l’aide-conseil pour la conservation des collections aux encouragements à la numérisation et à la publication.

Quatre objectifs ont été définis:

– assurer la préservation du patrimoine documentaire d’intérêt universel et encourager celui d’intérêt national et régional;

– le rendre accessible au plus grand nombre, en faisant appel aux technologies les plus appropriées;

– faire prendre davantage conscience aux États membres de l’Unesco de leur patrimoine documentaire et, en particulier, de ceux de ses aspects qui ont un intérêt du point de vue de la mémoire collective mondiale;

– élaborer des produits dérivés basés sur ce patrimoine documentaire et les distribuer à l’échelle internationale, tout en veillant à ce que les originaux bénéficient des meilleures conditions possibles de conservation et de sécurité.

Une brochure recommandant des pratiques de conservation, listant les normes en vigueur et proposant une bibliographie sur la conservation des documents de toute nature a été publiée par le Sous-Comité technique de Mémoire du Monde.

De nombreux projets de sauvegarde du patrimoine documentaire sont en cours et utilisent la technologie numérique. Parmi ces projets, les collections historiques de la bibliothèque de l’université de Vilnius fondée en 1570 et qui comprennent: 5,3 millions d’ouvrages imprimés dont 180 000 ouvrages de grande valeur scientifique, culturelle et historique, édités avant l’an 1800, 313 incunables, des ouvrages d’imprimeurs connus, tels que les Alde, les Elzévir, les Plantin, la collection la plus grande au monde de vieux livres lituaniens, 1000 vieux atlas et 10 000 cartes créés par les cartographes les plus connus des XVIIe–XVIIIe siècles2.

Un autre exemple est la Chronique Radziwill (déposée à la Bibliothèque de l’Académie russe des sciences à Saint- Pétersbourg) soit une série de 600 enluminures sur l’histoire de la Russie du Ve au XIIIe siècle: cette Chronique, très fragile et très rare, fait l’objet d’un projet-pilote de numérisation lancé par l’Unesco et la Bibliothèque du Congrès3.

L’IFLA et le programme PAC

Créé lors du congrès de l’IFLA à Nairobi en 1984, le Programme fondamental «Préservation et Conservation» est devenu effectif en 1986. Depuis 1992, le siège du PAC est à la Bibliothèque nationale de France à Paris. Le PAC est l’un des six programmes fondamentaux de l’IFLA: faire un instrument de formation, l’Unesco a chargé l’IFLA de produire un CD-ROM, en anglais et en français, illustrant les causes de dégradation des collections de bibliothèques et des fonds d’archives ainsi que les mesures préventives à prendre. Grâce à des liens hypertextes, ce CD-ROM permet d’élargir la recherche à des sites web proposant des informations, constamment actualisées, dans le domaine de la conservation. Ce cédérom a bénéficié des compétences des experts qui ont participé à la réalisation de la brochure initiale du Sous-Comité technique du programme «Mémoire du Monde» de l’Unesco, ainsi que des nombreux professionnels des bibliothèques et des archives qui ont bien voulu envoyer des photographies illustrant les propos. Le programme PAC, « Préservation et Conservation», de l’IFLA, a pu mener à bien ce projet grâce à l’assistance scientifique et technique de la Mission de la recherche et de la technologie du Ministère français de la culture et de la communication4.

L’Europe et «la politique de la mémoire»

Depuis de nombreuses années, l’Union européenne propose différents programmes de conservation et de diffusion de contenus d’information. Les derniers en date (eEurope, Minerva, i2010 Digital Libraries...) que nous allons détailler sont pour la plupart des programmes qui visent à numériser des fonds et des collections de documents. L’Europe est donc loin d’être en retard par rapport au reste du monde.

Le programme eEurope5et les Principes de Lund67

En avril 2001, un comité d’experts s’est réuni à Lund sous l’égide de la Cultural Heritage Applications Unit of the Information Society. Les conclusions et recommandations émises lors de cette réunion constituent les Principes de Lund et sont développés dans un plan d’action. Ces principes ont été traduits dans toutes les langues de l’Union et un agenda a été mis en place: il s’agit de déterminer les meilleures pratiques et les initiatives les plus intéressantes en matière de politique de la mémoire.

Les Principes de Lund en résumé

Il s’agit, selon ces principes, de:

– établir une coordination au travers d’un forum.

– développer une vision européenne soutenue par une politique et un programme.

– développer les meilleures pratiques et veiller à leur uniformité.

– travailler en collaboration et rendre visible et accessible l’héritage culturel et scientifique européen.

La Commission européenne fournira son aide au programme eEurope de la manière suivante:

– en supportant les activités de coordination.

– en rendant possible la création de centres de compétences.

– en stimulant les pratiques de benchmarking concernant la digitalisation.

– en encadrant une vision partagée en matière de contenus européens, en aidant les Etats membres à améliorer l’accès, à augmenter la qualité et la rentabilité du contenu...

i2010 Digital Libraries

Le programme i201087(European information society 2010) a pour objectif premier de favoriser la compétitivité du secteur des technologies de l’information et de la communication.

Dans une lettre du 28 avril 2005 adressée à la présidence du Conseil et à la Commission européenne par six chefs d’Etats, la création d’une bibliothèque européenne virtuelle est préconisée, visant à rendre l’Europe culturelle et scientifique accessible à tous. La Commission a accepté ce plan et a lancé le programme i2010 dont le programme i2010 Digital Libraries est une des composantes pour l’aspect bibliothèques numériques. Il concerne:

– Les documents déjà digitalisés (les copies numériques de livres par exemple), mais également tout autre type de documents détenus par les bibliothèques et les services d’archives.

– Les documents scientifiques et techniques stockés dans des dépôts numériques.

Trois principes ont été définis:

– L’accessibilité en ligne pour les citoyens, les chercheurs et les entreprises.

– Un usage plus large des collections numérisées dans la Société de l’Information.

– Leur conservation et leur stockage, afin de s’assurer que les générations futures puissent accéder au contenu et empêcher que celui-ci soit perdu.

Ce que préconise avant tout le programme i2010 Digital Libraries est d’éviter que les projets actuels de numérisation soient trop fragmentés. L information scientifique et technique tient une place importante dans cette réflexion.

A propos de MinervaPlus

MinervaPlus97, suite de Minerva (Ministerial Network for Valorising Activities in Digitisation) est un réseau de ministères des Etats membres mis en place pour discuter, corréler et harmoniser les programmes de numérisation de contenus culturels et scientifiques. Il s’agit de créer une plateforme commune, des recommandations et des directives sur la numérisation, les métadonnées, l’accessibilité à long terme et la conservation. Il vise à coordonner les programmes nationaux, à établir des contacts avec d’autres pays européens, projets internationaux d’organismes, d’associations, de réseaux, internationaux et nationaux impliqués dans ce secteur. Le projet organisera un groupe consultatif, comptant sur des actions existantes pour identifier et intégrer les meilleures pratiques dans un cadre européen, et de faciliter ains l’adoption du plan d’action de Lund.

Le projet Michael

Le projet Michael10(inventaire multilingue du patrimoine culturel européen) est un travail commun élaboré entre la France, l’Italie et le Royaume-Uni, soutenu par la Commission européenne – programme eTen, dédié au déploiement des nouvelles technologies en Europe.

Michael vise à proposer un accès simple et rapide aux collections numérisées des services du patrimoine, des musées, des bibliothèques et des archives des différents pays européens. Cette plate-forme multilingue est dotée d’un moteur de recherche capable de restituer les informations sur des collections dispersées dans des lieux et sur des serveurs différents. Les applications sont nombreuses, pour l’éducation et la recherche, mais aussi pour le développement de services commerciaux innovants, notamment pour le tourisme et l’éducation. Cet outil constitue donc une étape indispensable vers la création d’un espace culturel européen sur Internet.

D’un point de vue technique, le projet Michael s’appuie sur les technologies et l’expérience du catalogue français des fonds culturels numérisés, ainsi que du prototype de portail franco-italien des fonds numérisés (technologies XML). L’ensemble des outils développés dans le cadre de Michael sera rendu disponible sous la forme de logiciels libres.

Le projet Michael a été lancé en juin 2004 pour une période de trois ans. La Commission européenne apporte une contribution de 10% du coût total du projet, évalué à 33 millions d’euros sur cette période.

Un répertoire des collections digitalisées?: le «Registry of Digital Masters» d’OCLC-PICA

Avec le foisonnement des initiatives en matière de numérisation de collections, la nécessité d’un registre apparaît évident. OCLC-PICA«Registry of Digital Masters»/OCLC: http://www.oclcpica.org/?id=13... voir aussi: http://liber.ub.rug.nl/present... et http://www.diglib.org/collections/reg/reg.htm.(Online Computer Library Center) a créé la Digital Library Federation et a lancé l’idée d’un registre comme un prolongement de son catalogue en ligne WorldCat11: les bibliothèques membres du réseau et dont le catalogue est accesible via WorldCat peuvent donner l’accès à leurs ouvrages ou revues numériques à partir de la notice du document. Les bibliothèques s’engagent à respecter les normes en vigueur en matière de numérisation (les métadonnées doivent inclure notamment les informations bibliographiques du document, les états de collection, l’utilisation de la copie, accès à la copie numérisée) et à conserver les documents dans le format adéquat.

34 bibliothèques nord-américaines participent d’ores et déjà à ce Registre, ainsi que la Bibliothèque d’Alexandrie. Cependant, nombre de bibliothèques européennes sont présentes dans World Cat et elles devraient suivre ce mouvement.

La Suisse et l’Europe

La place de la Bibliothèque nationale suisse et la Conférence des bibliothèques nationales européennes (CENL)

La Bibliothèque nationale suisse par le biais de la CENL12a contribué à la consultation de la Commission européenne sur les questions de numérisation du patrimoine documentaire: la prise de position de la CENL souligne que TEL, The European LibraryConférence des bibliothèques nationales européennes (CENL): http://www.cenl.org/ (Voir aussi sous Vision and strategic plans, CENL resolution on digitisation of European Cultural heritage pour un résumé de la prise de position, adopté par la CENL en septembre 2005)., pourrait être la plate-forme pour la Bibliothèque européenne, et insiste sur la nécessité de financer la numérisation elle-même afin de créer une masse critique de données. Elle souligne également l’importance de l’accès multilingue aux données, la nécessité de créer des partenariats public-privé et de régler les questions de droits d’auteur/copyright.

Toutes les initiatives décrites précédemment vont donc dans le même sens, et nul doute que la bibliothèque numérique européenne est en construction. Parler de bibliothèque numérique implique également d’aborder la question du moteur de recherche américain Google et de Google Print. Celui-ci empiète délibérément sur les terrains des bibliothèques, des archives et des éditeurs notamment européens d’où les nombreux débats qui s’ensuivent13. Cette question n’a pas encore trouvé de réponse au vu des enjeux économiques importants qui en découlent, de l’avenir du livre également, et par conséquent des bibliothèques.

L’Europe a cependant, au travers de ses institutions, mis en place des actions positives en terme de «politique de la mémoire», mémoire étant pris dans le sens de mémoire documentaire. La coordination de ces actions n’apparaît pas encore très clairement: elle reste à faire dans ce domaine précis. Les bibliothèques et les bibliothécaires sont fortement mobilisés dans un mouvement qui apparaît irréversible. Leur contribution à la bibliothèque universelle n’a jamais été aussi évident.

Sources et informations fournies par

Genevieve Clavel,

Relations internationales

Bibliothèque nationale suisse, Berne

Références Article «Liste Mémoire du Monde»,

Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_M%C3%A9moire_du_monde, consulté le 7.2.06.

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Jean-Philippe Accart

Programme de Master ALIS, Universités de Berne et de Lausanne

Résumé

Während die Begriffe «Memopolitik» oder «Gedächtnispolitik» allgemein verstanden werden im Sinne der historischen Erinnerung an ein Ereignis oder einen Abschnitt der Geschichte, hat die Unesco in ihrem 1992 lancierten Programm «Gedächtnis der Welt» den Begriff «Dokumentenerbe» zutreffender als erhaltenswertes dokumentarisches Erbe definiert.

1984 hat die IFLA, der Internationale Verband der bibliothekarischen Vereine und Institutionen, das Programm PAC (Activity on Preservation and Conservation) lanciert und arbeitet jetzt mit der Unesco zusammen.

Seither sind weitere Initiativen ergriffen worden, namentlich von der Europäischen Union, die Programme wie eEurope, i2010 Digital Libraries, MinervaPlus oder Michael aufstellte. Diese Schritte vollziehen sich im weiteren Rahmen der Entwicklung zur Informationsgesellschaft. Die immer zahlreicheren Projekte digitaler Bibliotheken sind Ausdruck einer veränderten Bewusstseinslage.