Quelles compétences pour les archivistes aujourd’hui? Les lacunes des formations initiales
L’archiviste évolue dans un contexte professionnel en perpétuelle mutation, notamment d’un point de vue réglementaire et technique. Ces transformations suscitent des attentes inédites dans notre profession. Aussi, l’adaptation de la formation initiale est indispensable afin de prendre en compte les exigences actuelles de nos métiers. D’autre part, l’articulation entre formation initiale et formation continue est nécessaire dans la perspective d’acquérir régulièrement de nouvelles compétences professionnelles.
Notre propos ne vise pas tant à dévoiler une solution à ces problématiques qu’à exposer une courte réflexion sur la situation en France à titre d’anciens étudiants, diplômés en archivistique et jeunes professionnels sensibles aux enjeux de la formation et de l’insertion professionnelle des archivistes.
De conservateur à gestionnaire
L’évolution constante du paysage de la gestion de l’information, et donc des priorités des employeurs et décideurs, conduit l’archiviste à remplir des fonctions qu’il n’occupait pas forcément jusqu’à présent, tel que le développement des missions d’accompagnement des services et de gestion de projet.
L’archiviste se place au cœur de l’organisation en apportant un niveau d’expertise en matière de gestion de l’information. Sa vision globale de la production documentaire, et donc des activités d’une structure, le rend légitime à s’engager toujours plus fortement auprès des services.
Les contraintes de la massification de la production documentaire amènent l’archiviste à se positionner parfois en assistant à maîtrise d’ouvrage. Il pilote alors certaines opérations et délègue des tâches de manière à se concentrer sur l’apport d’une importante plus-value d’expertise. Il est indéniable, par exemple, que le rôle de chargé de projet est particulièrement pertinent dans le cadre des projets liés au numérique. Il va de soi que l’archiviste n’est pas le seul à pouvoir prétendre à ce poste, il est toutefois souhaitable qu’il fasse partie de l’équipe projet en vue de l’éclairer du point de vue de l’archivage numérique.
Dans l’ensemble de ces projets, l’archiviste ne peut plus travailler seul. Il doit s’ouvrir à d’autres collaborateurs qui, pour la plupart, sont également issus des services supports. Il est indispensable de définir des moyens de communiquer et dialoguer avec ces services, preuve s’il en est que la force de proposition, voire de persuasion, et les qualités de communicant sont devenues essentielles aux archivistes. Ceci vaut d’autant plus dans le rapport aux décideurs.
Les formations de l’enseignement supérieur doivent donc s’adapter et évoluer afin de préparer les étudiants tant à la collecte et au classement de fonds d’archives qu’à l’exercice de la gestion de projet et de la communication.
Des programmes de formation inadéquats
En France, la multiplication des forma- tions en archivistique ces 15 dernières années est révélatrice d’un besoin accru de spécialistes de la gestion de l’information et traduit une reconnaissance de la profession: archiviste, c’est un – et même des – métiers qui s’enseignent! Face aux exigences des potentiels employeurs, la question de l’adéquation de la formation initiale avec le marché de l’emploi se pose naturellement: une formation pour faire quoi (quels métiers)? Une formation pour qui (vivier entrant et sortant)? Une formation comment (quel contenu)?
Or, on constate que si les tâches archivistiques usuelles (collecte, classement, conservation et communication) font l’objet de présentations théoriques et pratiques, les compétences nouvellement requises ne sont en revanche que partiellement, voire pas du tout abordées dans le cadre des formations universitaires d’archivistique. La refonte constante des mentions de master et des maquettes d’enseignement semble moins signifier un ajustement aux attentes nouvelles de la profession qu’une certaine méconnaissance de celles-ci et la difficulté à proposer des parcours réellement professionnalisants.
L’émiettement des contenus d’enseignement et leur inadéquation avec les nécessités de l’emploi sont en partie responsables d’un déficit de compétences des archivistes, pas toujours préparés à un rôle de gestionnaire de projet, de communicant et de manager, et, plus simplement, à leur insertion et leur épanouissement dans une profession de plus en plus transversale.
Une amélioration des savoirs acquis à l’issue de la formation initiale est bien évidemment possible et encouragée. La formation continue est ainsi indispensable pour monter régulièrement en compétences.
Formation continue
Les modalités d’accès et les avantages de la formation continue sont malheureusement parfois méconnus. Il appartient aux employeurs de veiller à ce que les archivistes et gestionnaires de l’information de leurs services y aient accès afin de maîtriser de nouveaux outils, acquérir les savoirs liés à la prise en charge de nouvelles responsabilités et rester à jour des exigences du métier. Les archivistes doivent eux-mêmes faire l’effort de se former en permanence malgré des freins identifiables tels que la lourdeur des plans de formation, la difficulté à faire valider ses projets par la hiérarchie, la multiplicité des organismes de formation qui peut rendre difficilement lisible les spécificités de leurs catalogues et le décalage existant parfois entre l’offre de formations et les besoins des archivistes.
Les formations en interne sont une réponse possible à ces obstacles au départ en formation continue. L’acculturation avec des services plus rompus à la gestion de projet, comme les services informatiques, est indiscutablement enrichissante.
L’ «auto-formation» est également
envisageable, pourquoi pas par le biais
des MOOC (massive online open
course) qui connaissent un succès
croissant, mais au sujet desquels les
avis divergent, notamment concernant
la qualité de l’offre.
Enfin, les archivistes peuvent s’appuyer sur les associations professionnelles. Dans le cas de l’Association des archivistes français (AAF), le catalogue de formations s’accompagne d’une réflexion relative à l’emploi. Le référentiel métiers, ainsi édité par l’AAF en 2009 et prochainement mis à jour, pourrait servir de support aux organismes de formation et employeurs et favoriserait l’insertion professionnelle des diplômés. Une meilleure communication et une utilisation d’un tel référentiel métiers constituent peut-être le début de la solution que nous évoquions en introduction.
Références bibliographiques
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Servais Paul, Archivistes de 2030, Louvain-la-Neuve, Academia – L’Harmattan, 2015.
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GauthierJean,«Formation: des professionnels assidus, mais peuvent mieux faire!», Archimag, no 283, avril 2015, p. 26–27.
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Esteve Corinne, «Les dirigeants d’entreprise identifient un déficit de compétences des salariés chargés de gérer l’information» [en ligne], 2015, <http://www.docau-futur.fr/2015/05/25/les-dirigeants-dentreprise-identifient-un-deficit-de-competences-des-salaries-charges-de-gerer-linformation/> (consulté le 22.8.2015).
Abstract
- Deutsch
Der Archivar arbeitet in einem sich ständig ändernden Geschäftsumfeld, vor allem aus regulatorischer und technischer Sicht. Diese Änderungen rufen neuartige Erwartungen im Beruf hervor. Die konstante Entwicklung des Informationsmanagements führt dazu, dass Archivare heute Funktionen übernehmen, mit denen sie sich bis anhin nicht beschäftigt haben.
Daraus ergibt sich auch die Notwendigkeit einer Anpassung der Aus- und Weiterbildung, um den Anforderungen für eine Tätigkeit im Archiv gerecht zu werden und um neue berufliche Fähigkeiten zu erwerben. Der Artikel zeigt die Überlegungen von Maud Jouve und Julien Benedetti zu diesem Thema aus ihrer Perspektive als ehemalige Studenten, diplomierte Archivare und Young Professionals.