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2011/1 Streifzug durchs Web

L’offre numérique scientifique en Suisse: questions d’identification

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Le développement de la toile a transformé notre rapport à l’information dans une mesure sans doute difficilement imaginable pour les jeunes générations dites «digital native» (nées après 1985). J’évoquerai ici la question des contenus numériques suisses liés prioritairement à la recherche en sciences humaines et sociales, sans préjuger d’usages extra-académiques toujours possibles et bienvenus.

Remémoration

Les plus âgés se remémoreront sans doute que la «simple» possibilité d’utiliser des bibliothèques scientifiques avec accès libre aux revues a été vécue comme une petite révolution. Qu’on me permette un souvenir personnel d’étudiant à titre purement illustratif.

Interne en «khâgne» dans un lycée parisien entre 1980–1982, les ressources documentaires étaient maigres, et les échanges entre élèves déterminants pour la préparation des concours. Fréquenter la Bibliothèque Sainte Geneviève à côté du Panthéon relevait du parcours du combattant, et celle de Beaubourg, véritable temple du libre-accès, était prise d’assaut. Cela ne résolvait guère nos problèmes, les ouvrages étant souvent cachés par les étudiants pour se garantir leur lecture future.

En 1983, lorsque je découvris la bibliothèque universitaire de Lausanne Dorigny, il faut imaginer la stupéfaction et – réellement – l’émerveillement que suscita en moi la mise à disposition dans un lieu idyllique, accueillant un nombre d’étudiants encore modeste, d’une telle quantité de monographies et revues, sans contrainte. Pour le jeune chercheur que j’étais, échapper au vieux modèle de la bibliothèque nationale de France avec ses accréditations et ses limites de prêts journaliers était une avancée considérable.

Depuis, l’accès en ligne aux revues numériques et au patrimoine imprimé ou manuscrit a encore profondément bouleversé les conditions de travail. Entre books.google.com, gallica.fr, revues.org, clio-online.de, europeana, michael, etc., les conditions d’accès aux sources ont explosé. Il suffit d’ouvrir l’onglet de la base de données de Rero (périodiques électroniques en accès libres) pour mesurer l’impressionnante place de l’open access. La numérisation rétroactive de la presse a également un impact dont on mesure encore mal les effets sur les conditions effectives de la recherche, mais il suffit de connaître le nombre de travaux académiques qui s’appuient sur les médias pour comprendre le profit que l’on peut tirer de l’outil numérique. 

Identifier les sources numériques: un enjeu 

Contrairement au passé, «tout» est virtuellement là, accessible à peu de frais, mais cette opulence inédite entraîne rapidement le même désarroi que celui éprouvé au temps pas si éloigné de l’ère de la rareté. Reste que l’humain ne se dilate pas à l’échelle de la toile et que la construction d’un objet de recherche est toujours subordonnée à l’énoncé d’un questionnaire inscrit dans un débat collectif. Le changement d’échelle qui a frappé l’accès à l’information impose une analyse encore plus critique du périmètre des sources et des sources elles-mêmes pour mener ses recherches. La notion d’équipe longtemps en retrait dans les sciences humaines devient une pratique de mieux en mieux acceptée. Elle est rendue nécessaire pour affronter une réalité paradoxale: alors que tout pousse à accélérer le temps des recherches (fini le temps des thèses sans fin), il faut apprendre à domestiquer l’exubérance informationnelle corrélative de la numérisation du monde. Cette modification essentielle de notre rapport au temps fait de l’identification actualisée de l’offre en ligne de ressources documentaires un enjeu de taille qui ne se résout pas facilement.

Prenons le cas emblématique des inventaires développés sous forme de portails thématiques inscrits dans une logique territoriale (pays, région). Leur mise à jour pose toujours problème, car elle impose des institutions une veille pour chaque application et pour l’hébergeur de la base, un financement pour la maintenance des outils associés au silo informationnel au-delà du projet leur ayant donné naissance.

Si les données s’accumulent dans ces silos et que l’on peut imaginer obtenir des partenaires une mise à jour de leurs «nouveautés», on sous-estime régulièrement la non-pérennité des outils informatiques, leur rapide obsolescence technique, voire leur rapide vieillissement ergonomique. Pour faire évoluer ces outils, il faut, encore et toujours, des financements.

On citera quelques exemples intéressants de cette approche de type «portails thématiques inter-institutionnels» en Suisse: le répertoire des fonds d’archives d’entreprises en Suisse et au Liechtenstein, l’inventaire des sources ecclésiastiques, le guide des sources d’archives d’architecture ou l’Inventaire général des archives communales vaudoises antérieures à 1961. Face à cette approche, souvent proposée dans le monde des archives, on rencontre des solutions radicalement opposées, comme la collaboration entre la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne et Google. Pour un patrimoine cantonal imprimé, on a misé sur la puissance déjà constituée d’un outil mondialement distribué. Pari réussi, d’autant mieux que le catalogue de la bibliothèque dans le cadre du réseau de bibliothèques scientifiques, publiques et patrimoniales de Suisse occidentale (Rero) permet d’identifier immédiatement l’existence d’une version numérique. Seule réserve, non négligeable, l’ergonomie indigeste du site books. google.

Une autre manière d’appréhender la mise en ligne de sources d’information sur le web a été lancée en 2007 par Rero et la Bibliothèque nationale suisse, à travers un portail du nom de Digicoord qui permet aux institutions d’annoncer leurs projets de numérisation. En janvier 2011, 227 projets étaient décrits, dont près de 60% étaient en ligne. L’instrument demeure lié à la bonne volonté des institutions pour informer et mettre à jour leurs données. Si l’on en croit ce panorama des actions menées en Suisse en matière de numérisation, les projets concernent surtout l’histoire, les arts et l’architecture. Dans des registres très variés (on passe de la base des documents diplomatiques suisses à des généalogies de familles d’Estavayer-le-Lac, dressées par Hubert de Vevey), on notera l’intérêt des travaux pour le traitement de journaux et périodiques (118 projets), de sources iconographiques ou audiovisuelles (57 projets), et, dans une moindre mesure, des projets touchant des sources manuscrites (20 projets), voire les cartes et plans (7 projets). 

La bibliothèque électronique suisse e-lib 

A côté de ces expériences «locales», la Suisse a voulu se doter d’une «bibliothèque électronique» connue sous le nom d’e-lib.ch. Depuis le 11 janvier 2011, un site public (version bêta) est proposé. La Conférence universitaire suisse, le Conseil des écoles polytechniques fédérales et l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie ont financé e-lib en tant que projet d’innovation et de coopération. Sur les 245 millions investis entre 2008 et 2011 au niveau fédéral, 7 millions de francs ont été versés pour e-lib, sous la gestion de la Bibliothèque de l’EPFZ pour toutes les hautes écoles suisses. D’ores et déjà, les directions de projets en cours ont pu obtenir une prolongation de leur subvention jusqu’à la fin 2012, année de transition entre deux périodes de subventionnement (les prochains projets concerneront la période 2013–2016). Sur les 43 millions mis à disposition, e-lib bénéficie de 1.2 million de francs. A l’échelle helvétique, la somme déboursée peut paraître coquette. Au 9e rang des 32 projets soutenus, e-lib représente moins de 3% de l’ensemble du capital investi (le plus gros projet en biologie systémique capte 20% de l’argent tandis que 70% de l’argent est réparti entre 8 projets de 10 millions de francs et plus).

La direction d’e-lib a formalisé sa vision stratégique comme suit: il s’agit «de développer et d’institutionnaliser durablement e-lib.ch comme le portail central pour la recherche et la mise à disposition d’informations scientifiques en Suisse. e-lib.ch se distingue d’autres projets en ce sens qu’il développe en même temps des instruments pour la recherche et qu’il rend de nouveaux contenus accessibles en les numérisant. Parallèlement, il s’agit de développer des compétences interdisciplinaires. Le résultat sera une offre intégrée qui permettra aux hautes écoles universitaires suisses d’avoir un accès global à un spectre nettement vaste de sources d’informations électroniques et autres.»

Retro.seals, Multivio, Kartenportal: trois projets 

Parmi les différents sous-projets portés dans le cadre d’e-lib, on relèvera le site Retro.seals.ch piloté par le Consortium des bibliothèques universitaires suisses en collaboration technique avec la bibliothèque de l’Ecole polytechnique de Zurich. Ce site permet d’accéder sous une même interface à des périodiques suisses rétro-numérisés. Retro.seals veut se positionner comme le portail suisse des périodiques en ligne et il est de fait arrivé à une masse critique justifiant cette ambition. Au début de l’année 2011, le site dénombrait 103 revues offrant plus de 131000 articles, les premiers documents remontant à l’orée du XIXe siècle. A titre de comparaison, le célèbre site revues.org rassemble à la même date 284 périodiques. La numérisation s’accompagne d’une reconnaissance des caractères permettant des requêtes sur l’ensemble des contenus. La base de données étant fortement structurée, plusieurs approches sont proposées pour mener les recherches, et les pages comme les articles peuvent être téléchargés (pdf ). Retro.seals est un outil efficace qui, par contraste, sou- ligne les faiblesses de la bibliothèque numérique rero.doc (consulter les journaux numérisés sous rero doc relève de la gageure ... On pourra comparer avec le site letempsarchives.ch).

Le développement connexe de la visionneuse Multivio par Rero (pourtant sous mandat e-lib) afin d’améliorer la consultation des documents laisse songeur compte tenu de ce qui a été fait dans le cadre de Retro.seals, dont l’ergonomie est claire, le moteur de recherche rapide et qui bénéficie de fonctionnalités que n’offre pas (encore?) Multivio. Quelle plus-value tirer de Multivio dans un marché déjà bien fourni en visionneuses multimedia alors que les conditions d’accès aux collections numériques gérées par Rero sous Rero.doc ne sont toujours pas interrogeables selon le modèle de Retro.seals?

e-lib soutient aussi un sous-projet développé par la bibliothèque centrale de Zurich: Kartenportal.ch. Le constat qui préside à l’élaboration de ce site fait écho aux questions soulevées dans cette contribution: «Il n’existe pas en Suisse de répertoire central pour les cartes. Une recherche oblige souvent à consulter plusieurs catalogues et portails liés à la géographie. La recherche par mots clés, usuelle dans les catalogues de bibliothèques, s’applique d’ailleurs mal aux cartes géographiques, ce qui rend leur recherche malaisée et laborieuse.» Cet outil, couplé au meta-moteur de recherche swissbib – autre projet développé dans le cadre d’e-lib à Bâle – est particulièrement séduisant. Ne lui manque qu’une version française pour attirer le public francophone. Très interactif, il permet une approche intuitive de la recherche de documents cartographiques des plus réjouissantes.

Patrimoine historique: e-codices et e-rara 

Epousant la même philosophie qui veut limiter le nombre de points d’entrée aux documents numériques suisses, e-lib a apporté son soutien financier au portail e-codices, projet de l’Institut d’études médiévales de l’Université de Fribourg initié en 2005 et mené en collaboration avec la Stiftsbibliothek de StGall. En janvier 2011, 722 manuscrits médiévaux provenant de 30 bibliothèques étaient consultables en ligne et dotés d’une présentation scientifique. Ce travail de belle facture pourra-t-il fédérer l’ensemble des institutions patrimoniales offrant des manuscrits médiévaux? Pour qu’un seuil critique, en terme d’offre numérique, soit atteint, ne faudrait-t-il pas disposer d’un autre modèle économique, au vu des coûts déclarés pour la numérisation en regard du volume de documents effectivement numérisés?

Parallèlement, e-rara.ch, dont le point fort concerne le XVIe siècle, est également soutenu par e-lib et offre début 2011 plus de 3400 imprimés numérisés (65% des titres édités au XVIe siècle, 25% aux XVIIe–XVIIIe siècles et 9% au XIXe siècle).

Une question se pose: pour que de tels portails puissent devenir les points d’entrée incontournables qu’ils revendiquent, ne doivent-il pas s’enrichir de fonctionnalités fédérant la communauté de recherche suisse autour de ces contenus numériques? Le résultat semble encore incertain. On le perçoit en consultant le site d’Infoclio.ch, autre projet inscrit dans e-lib. La base de données recense à nouveau les travaux menés dans le champ historique, renvoie à Digicoord, mais ignore e-codices parmi les instruments de recherche ...

Un portail pour les historiens: Infoclio

Le site Infoclio porté par la Société suisse d’histoire et l’Académie suisse des sciences humaines et sociales pour «développer une infrastructure numérique pour les sciences historiques en Suisse» apporte dans le champ disciplinaire des historiens une approche nettement élargie, mais proche de celle qui motiva Digicoord. Des modules directement inscrits dans la vie académique, tels les comptes rendus, la mise en ligne de conférences (sons, slides), les recherches en cours, les thèses, les offres d’emploi, un blog professionnel, une lettre électronique et un flux de syndication, confèrent au site une cohérence qui correspond à ses objectifs. Aux chercheurs de fair e vivre cette communauté numérique qu’on ne doit pas réduire à une simple liste de liens ou à un métamoteur type BASE, développé à Bielefeld.

Au terme de ce très rapide tour d’horizon, faut-il admettre comme indépassable ou souhaitable le fait que les internautes ont à se constituer leurs propres signets et qu’il leur appartient de choisir les sites en fonction de leurs intérêts, sans chercher à créer une offre significative pour une communauté? La France a choisi de privilégier un portail unique pour les sciences humaines et sociales, connu sous le nom de projet Adonis. En dépit des sommes investies, les réponses proposées à l’heure actuelle en Suisse pour faciliter l’identification publique des instruments numériques n’ont pas (encore) la capacité d’harmoniser le puzzle des sites et de l’offre numérique effective. Au moins a-t-on fait un pas. Bien des projets ayant bénéficié du soutien d’e-lib seront à poursuivre. Il faut espérer qu’un financement pérenne adapté puisse être garanti.

Sites mentionnés: 

www.archeco.info 

http://archisources.epfl.ch/ 

www.kirchen.ch/archive/projekt.php?lang=f

www.digicoord.ch 

www.e-lib.ch 

http://doc.rero.ch/ 

www.e-codices.ch 

www.e-rara.ch 

www.infoclio.ch 

www.kartenportal.ch/ 

www.letempsarchives.ch 

www.multivio.org/ 

http://retro.seals.ch/digbib/h... 

www.swissbib.ch 

www.panorama.vd.ch/ 

http://base.ub.uni-bielefeld.d... 

http://books.google.com/ 

www.tge-adonis.fr/ 

www.michael-culture.org 

www.revues.org 

www.europeana.eu

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Frédéric Sardet

Archiviste de la Ville de Lausanne, directeur de la Bibliothèque de Genève.

Abstract

Die Zugangsmöglichkeiten zu Internetseiten mit wissenschaftlichem Inhalt sind in den letzten Jahren richtiggehend explodiert. Ein Blick in die Datenbank Rero (www.rero.ch) z.B. gibt einen Eindruck von der Masse von elektronischen Zeitschriften, die im Netz frei zugänglich sind. Die nachträgliche Digitalisierung von Pressedokumenten zeitigt ebenfalls (noch nicht absehbare) Auswirkungen auf die wissenschaftlichen Arbeitsbedingungen. Die schiere Zahl an Informationen macht es schwierig, die relevanten Daten herauszufiltern. Die erleichterte Zugänglichkeit hat das Arbeiten im Team gefördert und den zeitlichen Umgang mit der wissenschaftlichen Arbeit im Sinne einer Beschleunigung stark beeinflusst. Die Technologien veralten rasend schnell, das «Aufrüsten» kostet Geld. Es existieren verschiedene Formen der Informationsaufbereitung: Interinstitutionelle Portale (z.B. kantonale Universitätsbibliothek Lausanne und Google), Portale mit Auflistungen von Beständen, die für eine Digitalisierung vorgesehen sind (z.B. gigicoord von Rero und der SNB) oder auch Initiativen des Bundes wie e-lib.ch (eine Betaversion ist seit 11. Januar 2011 online). e-lib.ch will nach dem Willen der Betreiber nichts weniger als «das führende und zentrale nationale Portal (...) für die wissenschaftliche Informationsrecherche und -bereitstellung in der Schweiz aufbauen und nachhaltig etablieren». Bereits existieren zahlreiche Unterprojekte; bis zum erklärten Ziel, aus e-lib einen «single point of access» zu machen, ist es allerdings noch ein weiter Weg. Frankreich hat es vorgemacht mit dem Portal Adonis, welches einen umfassenden Zugang zu Inhalten aus den Human- und Sozialwissenschaften bietet. Dem Projekt e-lib wäre eine nachhaltige Finanzierung zu gönnen, ohne die die gesteckten Ziele kaum erreicht werden können.