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2011/1 Streifzug durchs Web

La bande dessinée entre papier et numérique: un modèle économique en ébullition

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L’enquête 2008 de l’Office fédéral de la statistique sur les pratiques culturelles des Suisses indique que 20% de la population résidente de plus de 15 ans a lu au moins une fois une bande dessinée dans l’année écoulée. Affaire d’hommes (en termes statistiques) mais, surtout, affaire de tradition culturelle: en Suisse romande, 33% de la population lit de la bande dessinée contre 17% en Suisse alémanique. Même concurrencé par les mangas ou les comics américains, le modèle franco-belge butte sur les valeurs culturelles de l’espace germanophone.

On constate aussi que la lecture de bande dessinée touche moins fortement les seniors que les jeunes (moins de 10% de lecteurs après 60 ans). Effet de génération lié à la progressive légitimation du genre depuis les années 1960 ou abandon progressif du goût pour la lecture de ce genre de production? En tout cas, la lecture de la bande dessinée, comme toute pratique de lecture, est positivement corrélée au niveau de formation atteint. Le vieux cli- ché d’une lecture réservée aux enfants et qui serait délaissée par les amateurs de la «vraie littérature» en prend un sérieux coup, pour ne pas dire plus. Des constats similaires ont été faits en France dès le début du XXIe siècle.

La BD, objet culturel identifié

La bande dessinée est, aujourd’hui, un objet culturel identifié, pour faire écho au titre d’un ouvrage incontournable de Thierry Groensteen. Le manque de légitimation sociale et culturelle tant déploré par les pionniers d’une réflexion sur ce medium – un peu à l’image des cinéphiles des années 1950 – laisse place à un phénomène multiforme propice à un jeu de mots facile: la bande dessinée qui s’expose dans les festivals, qui est présente en radio et télévision, qui est largement sollicitée par le 7e art et l’industrie du jeu, qui a franchi le seuil des universités, qui retient l’intérêt des acteurs du patrimoine, n’est-elle pas piégée dans une bulle spéculative où la production éditoriale s’emballe, où le marché de l’art s’insinue pour faire grimper excessivement les prix de planches «originales» présentées aux collectionneurs comme un nouvel Eldorado?

Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des critiques et journalistes de bande dessinée), analyse la production francophone européenne année après année. Depuis l’an 2000, le nombre de publications a été multiplié par 3,3, la part des nouveautés représentant grosso modo les 3/4 de ces publications, alors que les rééditions constituent 20% de la production annuelle. Gilles Ratier relève toutefois que ces «nouveautés» sont en grande partie des «traductions d’œuvres achetées à l’étranger» ou des «reprises de bandes dessinées datant de plus de 20 ans, qui n’avaient jamais été compilées sous forme de livres auparavant», ce qui porte le nombre de créations inédites à environ 1530 titres par an depuis 2008. Au sein des nouveautés, la part des mangas a fortement augmenté depuis l’an 2000 et oscille autour de 40% depuis 2005. Dans un marché toujours concentré, cinq grands groupes qui ont décidé de maîtriser leur production voient leur poids relatif reculer dans la production totale depuis 2006, au profit d’éditeurs dits «alternatifs» (20 à 23% des nouveautés annuelles depuis 2008).

Le marché de la bande dessinée, fort segmenté, a résisté à la crise et continue à représenter un secteur dynamique (1/8 des achats de livres concernent la bande dessinée) qui expérimente de nouvelles formes de consommations et de productions liées à l’économie numérique. Depuis l’an 2000, les éditeurs ont massivement investi le web. Les auteurs aussi. Le marché du livre a globalement résisté grâce aux ventes passées à travers les librairies en ligne.

L’offre en ligne, une économie naissante 

Ce qui est toutefois le plus intéressant dans les développements survenus depuis deux ans (guère plus), c’est la valse-hésitation entre livre et production numérique, et le maintien d’une forte interaction entre ce qui se passe à l’écran et ce qui est proposé sur papier. Le marché numérique reste encore financièrement marginal pour les éditeurs, mais chacun se positionne dans l’attente fébrile d’un changement plus radical des comportements sociaux.

Rien d’étonnant dès lors que la scène du numérique reproduise tous les traits de la société où de «petits souverains» craignent le despotisme des «rois» pendant que des francs-tireurs ramassent les miettes d’un gâteau gigantesque pour diffuser leurs créations et tenter de survivre.

Les rois s’appellent Google ou Facebook, capables de lever des capitaux à faire pâlir la fonction publique.

Le 21 janvier 2011, Facebook – hors bourse – annonçait avoir levé 1,5 milliard de dollars en actions ordinaires, dont 1 milliard via la banque américaine Goldman Sachs qui semble avoir de belles ressources auprès de sa clientèle, malgré son rôle dans la crise des subprimes et les plaintes pénales dont elle fait l’objet. Du côté de Google, le bénéfice est toujours en progression à 8,5 milliards de dollars, soit une hausse de 30% en 2010. Merci pour eux.

Face à cette hyperpuissance, des alliances régionales de «petits souverains» donnent naissance à des plateformes propriétaires disponibles pour le web ou pour les formats tablettes, que les éditeurs souhaitent rendre indépendantes d’opérateurs géants comme Apple ou Amazon. En France, dans le monde de la bande dessinée, on citera Izneo créée en mars 2010, à l’initiative du plus gros éditeur français de bande dessinée: Media-Participation. Izneo a aujourd’hui la forme d’un groupement d’intérêt économique ralliant douze éditeurs détenant la moitié du marché de la bande dessinée et s’associant à des libraires qui peuvent inscrire Izneo dans leur propre site. En janvier 2011, Izneo offre en streaming 1820 titres dont 810 dans la catégorie humour pour 4 mangas. Il s’agit donc d’une lecture en ligne sans possibilité de téléchargement de type Vidéo à la demande comme on la rencontre pour d’autres marchés et d’autres pays. Pour rester dans le monde de la bande dessinée, on ira voir DC Comics aux USA par exemple.

Izneo en France

A l’image de nombreux sites marchands, Izneo met à disposition des internautes des bandes annonces, des «découvertes», des «coups de cœur», des «actualités» et invite à faciliter les achats au moyen d’un porte monnaie numérique (crédit de 100 euros maximum) qui vise surtout à autoriser les achats par les mineurs.

Le modèle de vente est fondé sur la possibilité de rechercher des albums ou des séries, et de visionner gratuitement quelques pages sur son écran. L’accès à l’intégralité d’une œuvre est possible en mode «location sur 10 jours» à 1,99 euro, tandis que l’accès permanent coûte 4,99 euros. A titre comparatif, une bande dessinée sur papier avoisine les 12 euros. Quelques exclusivités comme la bd Djinn en crayonné sont accessibles, mais à un tarif plus élevé (6,99 euros). La plateforme offre enfin la possibilité de chercher un libraire vendeur, partenaire du projet, à partir du code postal français.

Le modèle communautaire émerge

Enfin, dans l’espace numérique de l’offre en ligne, il faut regarder avec intérêt les expériences communautaires locales, qui parient sur l’universalisation de la communication par le web et sur l’efficacité des outils proposés par les géants, pour construire des niches alternatives, où le rôle des individus prend un sens potentiellement différent.

On peut citer la plateforme sous licence Creative Commons de la société d’édition Manolosanctis, qui met en ligne gratuitement plus de 1600 albums début 2011, permettant à près de 20 000 adhérents de rédiger des critiques et de se sentir proche des quelques 800 auteurs, tout en pouvant acheter la version papier de ces œuvres en librairie ou sur la boutique en ligne. Une démarche qui est complétée par le référencement sur Facebook, évalué à près de 2000 amis en janvier 2011.

Autre modèle éditorial de type communautaire, Sandawe, porté par Patrick Pinchart, ex-rédacteur en chef du journal Spirou, longtemps à la tête du département multimedia de Dupuis. A ses côtés, Lionel Camus, gestionnaire d’entreprise rompu aux problématiques du développement, et Dimitri Perraudin, informaticien. En 2011, la plateforme accueille plus de 1700 membres, 450 auteurs et offre 19 projets en recherche de financement pour trouver un destin éditorial sur papier. Sur les 19 projets, 3 ont été suffisamment soutenus financièrement pour pouvoir être édités sur papier: deux projets autour de 35 000 euros (80 planches) et un projet budgété à 19000 euros (44 planches). Au total, le site avait réussi à récolter plus de 160 000 euros, les versements des investisseurs pouvant aller de 50 à quelques milliers d’euros au vu des visites faites sur le site. L’expérience semble séduire, mais elle reste précaire.

Une nouvelle maison d’édition de type communautaire, Openbook, recherche de nouveaux auteurs de BD. L’internaute peut souscrire des parts à 5 euros contre partage des bénéfices supposés, l’auteur étant censé être rémunéré à hauteur de 8% sans clause d’exclusivité. Encore très jeune, il faudra voir si un tel site doté d’un blog et d’une page Facebook peut attirer durablement auteurs et lecteurs.

L’économie du numérique de la bande dessinée n’est pas fondamentalement différente de ce qui touche d’autres secteurs de la création artistique, la musique notamment. Comme toujours, le mimétisme règne. Le phénomène le plus intéressant est lié à l’émergence d’un modèle économique qui fait de l’internaute lambda un véritable micro-capitaliste. Ce modèle n’est pas forcément source de grands profits, mais il participe à la transformation générale de nos repères et de nos modes d’action, y compris dans nos pratiques de lecture. On en reparlera dans quelques années ...

Sites mentionnés:

www.acbd.fr (rubrique «les bilans de l’acbd»): analyse du marché francophone européen de la bande dessinée www.manolosanctis.com/: plateforme gratuite de bande dessinée numérique www.izneo.com/: plateforme marchande de bande dessinée numérique www.dccomics.com: plateforme marchande de bande dessinée numérique (menu Read pour accéder à la lecture numérique en ligne) www.editions-openbook.fr: édition communautaire www.sandawe.com/fr/index.awp: édition communautaire

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Frédéric Sardet

Archiviste de la Ville de Lausanne, directeur de la Bibliothèque de Genève.

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Gemäss einer Umfrage des Bundesamtes für Statistik über das Kulturverhalten in der Schweiz aus dem Jahr 2008 haben mindestens 20% (Romandie: 33%; Deutschschweiz: 17%) der hier wohnhaften über 15-jährigen im untersuchten Jahr mindestens einen Comicband gelesen. Das alte Cliché, wonach Comics den Kindern und die ernste Literatur gebildeten Erwachsenen vorbehalten sind, bekommt zunehmend Risse. Comics sind kulturell anerkannt, haben selbst von den Universitäten den Ritterschlag erhalten. Sind Comics für Verleger tatsächlich das neue Eldorado, wie viele meinen? Seit dem Jahr 2000 ist die Produktion von Comics im französischsprachigen Europa um das 3,3-fache gestiegen. Verleger haben stark in die informatikbasierte Produktion investiert. Die Einkünfte sind vorerst noch marginal, die Verleger sind allerdings in den Startlöchern und warten auf eine Veränderung des Konsumverhaltens. Um gegen die Schwergewichte wie Google, Amazon oder Apple bestehen zu können, haben sich in Frankreich wirtschaftliche Interessengemeinschaften gebildet, die proprietäre Formate für das Web entwickeln, über die Comics vertrieben werden. Wichtiger Anbieter in diesem Bereich ist Izneo. Die Firma hält (Stand Januar 2011) 1820 Titel zum Streaming bereit. Das Verkaufsmodell basiert auf der Möglichkeit, eine bestimmte Anzahl von Seiten gratis anschauen und dann aus einer Palette von tagweiser Miete bis hin zu permanentem Vollzugang auswählen zu können. Ein weiterer Anbieter ist der unter Creative Commons laufende Verlag Manolosanctis, der (Stand Januar 2011) gegen 1600 Alben gratis anbietet. Sandawe ist ein Modell mit einer Plattform, das für Comicprojekte Finanzierungsmöglichkeiten für den Druck auf Papier in den Vordergrund stellt. Openbook schliesslich sucht neue Comic-Autoren, die mit einem speziellen Subskriptionsmodell entlöhnt werden. Generell interessant sind die Anbieter, die auf Modelle setzen, welche die User (gleichsam als Mikro-Kreditgeber) beteiligen. Noch sind die Gewinne bescheiden.