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2006/1 Memopolitik – vom Umgang mit dem Gedächtnis der Gesellschaften

Bibliothèques numériques, logiciels libres et développement durable

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La mission première des bibliothèques de conservation s’inscrit dans le principe même du développement durable. En effet, ces institutions récoltent patiemment un patrimoine qui devra être intégralement transmis aux générations futures.

Ces collections prennent des formes très différenciées en terme de contenu: les bibliothèques patrimoniales sont généralement encyclopédiques et touchent ainsi tous les domaines du savoir, des publications scientifiques à la production éditoriale littéraire ou artistique.

D’autre part elles rassemblent des supports toujours plus variés: des imprimés naturellement, mais encore des manuscrits, des cartes de géographie, des gravures, des estampes, des photos, des disques, des affiches, etc.

Ce patrimoine doit être conservé et entretenu dans des conditions optimales tout en restant accessible au public.

Avec le développement des nouvelles technologies sont apparues les bibliothèques numériques, un phénomène qui s’inscrit de façon parfaitement complémentaire aux bibliothèques traditionnelles.

On trouve dans les bibliothèques digita- les des documents qui sont les produits directs d’une création faite directement sur support informatique: c’est par exemple aujourd’hui le cas de presque tous les articles scientifiques publiés dans les innombrables périodiques électroniques qui diffusent aujourd’hui la science contemporaine.

Un autre volet extrêmement important des bibliothèques numériques est constitué par les documents anciens, souvent fragiles et précieux, qui sont numérisés, puis mis à disposition du plus grand nombre sur des sites culturels accessibles grâce aux réseaux informatiques.

Ces bibliothèques numériques sont stockées sur des sites dont l’accès est restreint à une organisation ou qui sont largement disponibles à tous sur Internet.

Cette évolution désormais inéluctable est-elle une chance ou un danger pour les pays émergents?

Pour essayer de répondre à cette question, l’Institut francophone des nouvelles technologies de l’information et de la formation (INTIF) rattaché à l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) a pris l’initiative d’organiser un séminaire sur le sujet. C’est ainsi que des spécialistes d’Afrique francophone, de France, du Québec et de Suis- se se sont réunis du 26 au 30 septembre 2005 à Ouagadougou au Burkina Faso pour examiner la problématique des «Bibliothèques numériques et du développement durable». Le Directeur de la Bibliothèque publique et universitaire de la Ville de Genève a été invité à participer à ces réflexions, à y donner une formation et à faire part de ses expériences et de ses projets.

Les participants ont tout d’abord constaté que le premier effet du déploiement des nouvelles technologies est d’abolir l’espace. Le contenu des bibliothèques numériques devient accessible à tous quelle que soit la localisation de chacun.

En terme de soutien aux pays du sud, les vastes bibliothèques numériques créées par les bibliothèques de l’hémisphère nord vont être autant de richesses pouvant potentiellement être mises à disposition des lecteurs du sud (grand public, étudiants, chercheurs) sans distinction de localisation. On assiste ainsi à une égalisation des chances documentaires, premier pas vers une diffusion égalitaire de la culture et du savoir.

Le second volet concerne la diffusion du savoir conservé dans les bibliothèques numériques du sud. Le modèle traditionnel de la publication scientifique et culturelle a atteint ses limites pour l’édition papier. Ces publications sont mal connues des lecteurs potentiels du nord; il est encore plus difficile de les acquérir car les circuits de diffusions des livres du sud sont quasiment inexistants. La publication sous forme électronique et la conservation dans des bibliothèques numériques est naturellement une chance formidable pour la production scientifique et littéraire du sud de gagner un nouveau lectorat.

Les bibliothèques africaines ont aussi fait part de leurs expériences avec les périodiques électroniques. En effet, nombreuses d’entre elles disposent d’un large accès aux grands éditeurs du domaine (Elsevier, Kluwer, etc.). Les coûts d’abonnement sont calculés spécialement pour l’Afrique subsaharienne et très souvent pris en charge par des associations d’aide aux pays du sud. Dans ce secteur, les bibliothèques africaines offrent souvent des accès parfaitement comparables à celles de leurs consœurs du nord.

Mais les bibliothécaires du sud sont sans illusion sur l’avenir des coûts d’abonnement aux périodiques électroniques; ils regardent donc avec intérêt les différents développements de l’Open Access.

Le séminaire a également examiné les possibilités offertes par le logiciel libre et les formats ouverts. De nombreuses bibliothèques africaines ont déjà basculé sur le système d’exploitation Linux et ont fait part de leurs expériences. Plusieurs logiciels libres de gestion de bibliothèque (Koha, notamment) et de gestion de bibliothèques numériques (Greenstone distribué par l’Unesco, par exemple) ont été présentés et les bibliothécaires africains ont présenté des réalisations remarquables.

Plusieurs bibliothèques universitaires gèrent désormais leurs thèses sous forme électronique (Dakar, Tunis, par exemple) alors que d’autres ont des projets avancés. Des bibliothèques nationales comme celle du Bénin publient aujourd’hui leur bibliographie nationale sous forme de CD-Rom produite par le logiciel gratuit CDS/ISIS également diffusé par l’Unesco. La bibliothèque de Tananarive numérise d’anciens périodiques et un remarquable fonds sur l’histoire de l’Ile de Madagascar.

En terme de contenu, la présentation la plus bouleversante fut celle d’une bibliothèque étroitement associée au Tribunal international de Kigali qui accumule sous forme numérique les témoignages des massacres du Rwanda (textes, photos, etc.); la conservation de documents numériques permet de les dupliquer et évite ainsi toute «disparition» de documents essentiels à la mémoire collective du peuple rwandais.

Enfin les participants se sont penchés sur les formats ouverts, solide garantie à long terme de la migration des données informatiques.

La Ville de Genève s’est déjà engagée dans plusieurs actions visant à réduire la fracture numérique entre le nord et le sud. Le séminaire de Ouagadougou a permis d’aborder de façon très concrète un volet du numérique touchant à la mémoire des peuples d’Afrique francophone.

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Alain Jacquesson

Directeur de la BPU, Genève