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2006/2 Droit d’auteur – Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (Loi sur le droit d’auteur, LDA)

Le droit d’auteur dans un environnement numérique: les positions de l’IFLA et de l’UNESCO

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La communauté des professionnels de l’information et des bibliothèques est confrontée quotidiennement aux problèmes juridiques liés à l’information. Les débats sont nombreux et fournis autour notamment du droit de prêt, des licences, de la conservation du patrimoine documentaire, du partage des ressources ...

Ce texte s’inspire largement du texte publié par le Committee on Copyright and Other Legal Matters (CLM) de l’IFLA: «Position de l’IFLA sur le droit d’auteur des documents numériques». http://www.ifla.org/III/clm/p1...

Il y a quelques années, l’économie est entrée en force dans le monde documentaire, mais le droit de l’information apparaît désormais incontournable à maîtriser. Pour les professionnels, la situation est donc complexe: l’IFLA et l’UNESCO apportent des points de repères utiles afin de mieux s’orienter dans le dédale juridique actuel.

La position de l’IFLA: droit d’auteur et bibliothèques, un équilibre à trouver

La Fédération internationale des associations de bibliothécaires (IFLA) prend clairement position sur le droit d’auteur dans l’environnement numérique, et envisage les différents aspects touchant aux métiers de l’information. Mais avant d’aborder ces aspects, voyons la position globale de l’IFLA sur ce sujet:

«Les bibliothécaires et les professionnels de l’information reconnaissent que leurs clients ont besoin d’accéder à des œuvres protégées par le droit d’auteur, aux informations et aux idées qu’elles contiennent et s’engagent à les soutenir. Ils respectent aussi les besoins des auteurs et des ayants droit qui attendent un retour économique équitable de leur propriété intellectuelle. Un accès effectif aux œuvres est essentiel pour atteindre les objectifs du droit d’auteur. L’IFLA soutient une loi sur le droit d’auteur équilibrée qui favorise la société dans son ensemble et accorde une protection forte et efficace aux intérêts des ayants droits ainsi qu’un accès acceptable (aux œuvres) afin d’encourager la créativité, l’innovation, la recherche, l’éducation et le savoir.»

Pour l’IFLA, le droit d’auteur doit trouver un point d’équilibre entre les intérêts du public (les usagers des bibliothèques et services de documentation) et ceux des auteurs. Les partisans d’un droit de la propriété intellectuelle fort sont particulièrement nombreux aujourd’hui: les intérêts financiers en jeu sont énormes et les entreprises détentrices des moyens de diffusion de l’information (les éditeurs, mais également les fournisseurs d’information) dominent aisément le marché de l’information et de la communication. Elles veulent obtenir des droits accrus pour les titulaires de droit, car c’est un excellent moyen d’augmenter les revenus potentiels. Les professionnels de l’information n’ont pas le même poids économique, ils soutiennent fortement de leur côté l’accès aux documents protégés par le droit d’auteur.

Les bibliothèques sont les principaux acquéreurs d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur support analogique et numérique; elles mettent à disposition ces documents pour leurs clients afin qu’ils puissent en avoir pleinement l’usage: consultation, lecture, utilisation sont parmi les pratiques les plus courantes dans les bibliothèques. En outre, les professionnels de l’information ont de tout temps lutté contre les usages illicites en regard du droit d’auteur.

Alors que la durée du droit d’auteur donne à l’auteur une période déterminée de protection, l’extension progressive de la durée porte injustement préjudice aux usagers de l’information. L’explication donnée pour justifier l’extension de la durée de protection est que l’espérance de vie s’accroît et que la période de protection doit être adaptée à cette extension. Mais cet argument ne peut pas être retenu car la durée du droit d’auteur perdure aujourd’hui après la mort de l’auteur.

En outre, des durées croissantes de protection portent davantage préjudice à certains pays en voie de développement où l’espérance de vie d’un adulte est faible. L’extension de la durée des droits bénéficie essentiellement aux ayants droits et à leurs descendants dans les pays développés et se fait aux dépens des usagers de l’information et des nouveaux créateurs potentiels à la fois dans les pays développés et les pays en voie de développement. Ce résultat infléchit l’équilibre qui avait été instauré et empêche une réutilisation créative des œuvres anciennes.

Pour l’IFLA, il est paradoxal que l’extension de la durée des droits d’auteur soit souhaitée alors que de nombreux gouvernements encouragent parallèlement un accès croissant aux contenus locaux grâce à la numérisation.

L’équilibre traditionnel du droit d’auteur est donc, pour diverses raisons, sérieusement menacé dans l’environnement numérique. Tout semble concourir pour limiter l’accès aux œuvres: mesures techniques de protection ou paiement à l’usage en sont deux exemples.

Concrètement, voici ce que l’IFLA préconise aux professionnels de l’information: 

Le partage des ressources: lorsqu’une bibliothèque dispose d’un accès légal à une œuvre numérique et qu’elle fournit ensuite un accès à des fins légitimes telles que la recherche ou l’étude, ceci devrait être permis par la législation sur le droit d’auteur. Ce qui sous-tend cette déclaration est que le partage des ressources joue un rôle vital pour l’éducation, la démocratie, la croissance économique, la santé, le bien-être et le développement personnel. Il facilite l’accès à un éventail toujours plus large d’informations qui n’aurait pas pu être disponibles par d’autres voies à l’usager. Le partage des ressources augmente l’accès direct à l’information pour les usagers qui, pour des raisons économiques, techniques ou sociales ne peuvent en avoir.

Le prêt des documents: le prêt de documents par des bibliothèques ne doit pas être restreint par la loi; les dispositions contractuelles, par exemple, dans le cadre d’accords de licences ne devraient pas contourner la possibilité de faire un prêt raison- nable de ressources électroniques par le personnel des bibliothèques et des centres d’information.

Le prêt public est essentiel pour la culture et l’éducation. Il devrait être proposé à tous.

La préservation et la conservation: les lois sur le droit d’auteur devraient autoriser les bibliothèques à copier des œuvres protégées par le droit d’auteur afin de procéder à leur conservation. La loi ne devrait pas interdire aux bibliothèques d’avoir recours aux nouvelles techniques pour améliorer les techniques de conservation et rendre les documents conservés sous forme numérique disponibles aux usagers des bibliothèques.

La responsabilité pour des infractions au droit d’auteur: la responsabilité ultime devait être imputable à l’auteur même de l’infraction. La législation sur le droit d’auteur devrait donner des limitations claires sur la responsabilité des parties tierces lorsque la conformité aux règles établies ne peut pas être pratiquement ou raisonnablement surveillée.

Les licences: les termes des accords de licences contractuelles relatives à des œuvres protégées par le droit d’auteur devraient comporter des clauses intégrant les politiques publiques en matière de droit d’auteur, de respect de la vie privée, de liberté d’expression et des droits des consommateurs. Les accords de licence pour un accès à l’information ne devraient pas exclure les usagers de l’information ou avoir un impact négatif sur ceux-ci en supprimant des droits qui pourraient leur être accordés par la loi. L’IFLA affirme que les accords de licences doivent compléter la loi sur le droit d’auteur, non s’y substituer.

La licence devrait au moins permettre à un usager de lire, télécharger et imprimer des œuvres pour son propre usage, sans aucune restriction. 

Les mesures de protection techniques: la protection au titre du droit d’auteur devrait encourager et non interdire l’utilisation des œuvres. La loi sur le droit d’auteur ne devrait pas donner aux titulaires de droits le pouvoir supplémentaire d’utiliser des mesures techniques pour contourner les exceptions et les limitations au droit d’auteur et infléchir l’équilibre instauré par les lois sur la propriété intellectuelle au niveau international et national. C’est l’accès à l’information et non le contrôle de l’information qui accroît l’utilisation de celle-ci. Des études ont naturellement démontré que trop de contrôle, sous la forme de protection technique, est contre-productif. Le contournement des mesures de protection pour des activités qui ne violent aucun droit devraient être autorisées. 

La position de l’IFLA en bref

–  IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions = Fédération internationale des associations de bibliothécaires et d’institutions) représente les intérêts des bibliothèques et des services d’information ainsi que ceux de leurs usagers dans le monde entier.

–  Les bibliothèques sont les principaux acquéreurs de l’information imprimée sur support analogique et numérique et veulent assurer un accès légal et équitable aux connaissances contenues dans de telles œuvres.

–  L’IFLA estime que les droits économiques des fournisseurs d’information doivent être rééquilibrés par les besoins qu’a la société d’avoir un accès aux connaissances et que les bibliothèques jouent un rôle clé dans cet équilibre. L’environnement numérique permet d’envisager que toutes les composantes de la société, notamment les pays en voie de développement et les groupes désavantagés, puissent avoir un accès à l’information. Mais ceci ne sera obtenu que si les lois sur la propriété intellectuelle peuvent être toujours rééquilibrées par des limitations et des exceptions réelles.

–  L’IFLA est persuadée que les exceptions et les limitations au droit d’auteur, instaurées pour le bien public, sont aujourd’hui mises en péril par l’usage croissant des mesures de protection technique et par des restrictions (aux usages) présentes dans les contrats de licences.

Commission IFLA sur le copyright et autres problèmes juridiques (CLM)

La position de l’UNESCO: favoriser la créativité et la diversité culturelle (Portail de l’UNESCO: http://portal.unesco.org/cultu...)

Dès 1952, l’UNESCO a œuvré pour la protection du droit d’auteur: la Convention universelle sur le droit d’auteur a en effet été adoptée sous son égide. Depuis, cette institution internationale tend par son action à favoriser la créativité individuelle, pour le développement des industries culturelles et pour la promotion de la diversité culturelle.

La piraterie, l’application insuffisante des lois sur le droit d’auteur ont des effets négatifs sur la promotion de la création et de la distribution des produits culturels locaux dans tous les pays du monde.

L’UNESCO mène, dans le cadre de l’Alliance globale pour la diversité culturelle, des projets de sensibilisation et de renforcement des capacités, en plus de l’information, la formation et la recherche en droit d’auteur. Elle est particulièrement impliquée dans le développement de nouvelles initiatives pour lutter contre la piraterie.

L’UNESCO tente d’apporter sa contribution au débat international sur ce sujet, prenant en considération les perspectives de développement et prêtant une attention particulière, à l’instar de l’IFLA, à la nécessité de maintenir un juste équilibre entre les intérêts des auteurs et l’intérêt du public.

Un certain nombre d’outils sont proposés: des manuels en ligne, des supports audiovisuels, des périodiques sur le droit d’auteur, des guides pratiques. Plusieurs comités intergouvernementaux sont mis en place.

En conclusion

Depuis de nombreuses années, les liens entre l’IFLA et l’UNESCO se sont renforcés, notamment au travers de travaux, de déclarations, de prises de position sur des sujets d’actualité touchant de près la profession. L’IFLA se mobilise sur des sujets qui relèvent également de l’UNESCO: en matière d’éducation, de lutte contre l’illettrisme et en faveur de la justice sociale.

L’IFLA croit sincèrement que la diffusion de la culture et de la connaissance est menacée. Elle ne croit pas que la meilleure solution pour faire face aux problèmes de droit d’auteur dans l’environnement numérique soit la prise en compte des seules conditions établies par les fournisseurs d’informations.

L’objectif premier du droit d’auteur était de protéger les auteurs ou les créateurs dans le cadre plus large de l’intérêt public. Le danger est grand aujourd’hui de voir le droit d’auteur devenir un mécanisme de protection légale instauré au bénéfice de diverses multinationales.

L’IFLA ne veut pas voir un environnement où un contrôle total sur l’accès à l’information est dans les mains d’un petit nombre d’entreprises multinationales.

Si tous les usages de l’information sont contrôlés, seuls les plus riches pourront tirer bénéfice d’un accès à la connaissance et au savoir.

A moins que des limites à ce contrôle ne soient instaurées, l’IFLA craint que cette situation ne profite qu’à des intérêts individuels plutôt qu’à l’intérêt collectif.

Les Etats devraient donc intervenir et faire en sorte que la société obtienne un retour sur ses investissements en matière d’éducation et de recherche. Ce n’est qu’à ce titre qu’un équilibre sera obtenu.

Quelques exemples de restrictions souvent imposées par les contrats de licences. Des limitations:

–  pour imprimer, télécharger ou envoyer des copies par courriel d’une partie des documents;

–  sur le nombre, le lieu de consultation et l’obligation d’affiliation à un organisation donnée des usagers autorisés;

–  sur les possibilités de prêt interbibliothèques pour la fourniture de documents;

–  sur la copie d’œuvres faites à des fins de conservation par les bibliothèques;

–  sur l’usage d’une œuvre à partir d’une certaine date;

–  sur la possibilité de mise en réseau de l’œuvre pour un accès sur le site de la bibliothèque;

–  sur le prêt ou autre mise à disposition de l’œuvre.

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Jean-Philippe Accart

Programme de Master ALIS, Universités de Berne et de Lausanne