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Archives photographiques: éternel conflit entre préservation du contexte et valorisation du contenu​

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EDWARD Elizabeth, MORTON Christopher (éd.), Photographs, Museums, Collections. Between Art and Information, Bloosmbury, London/New York, 2015, 267 p.

La gestion des collections et des archives photographiques est un défi toujours renouvelé. Une grande diversité de supports, des problèmes conservatoires complexes, des ensembles documentaires souvent volumineux: les difficultés sont souvent si grandes que nous n’avons que rarement le temps de nous interroger sur le sens de notre action. Le livre dont je vous propose ici le résumé est justement l’occasion de réfléchir à ce sujet.

Pour une histoire des collections photographiques

L’ouvrage collectif édité par Elisabeth Edwards, professeure d’Histoire de la photographie à Leicester, et Christopher Morton, Conservateur au Pitt Rivers Museum, s’attaque à la photographie sous l’angle de l’histoire de sa conservation. Les auteurs affrontent des questions peu étudiées. Comment se créent les collections photographiques? Comment se transforment-elles lors de leur entrée dans une institution patrimoniale? Est-il possible de mettre en valeur des photographies sans pour autant perdre leur contexte d’origine?

Le point de vue des éditeurs n’est pas neutre, et c’est là l’un des grands intérêts de cet ouvrage. Au départ, il y a leur conviction qu’il est nécessaire s’interroger sur le passé des collections photographiques pour sauvegarder leur avenir. Plus intéressant encore: l’intérêt pour l’histoire des collections photographiques n’apparaît actuellement pas par hasard. Le passage au numérique constitue un danger pour le patrimoine photographique analogique. A titre d’exemple, les éditeurs mentionnent la décision de la Tate Gallery de se défaire de ses archives photographiques, finalement sauvegardées mais de l’autre côté de l’Atlantique, à l’Université de Yale. Autre écueil: sous forme électronique, les photographies sont régulièrement présentées en fonction de leur contenu. Leur histoire et leur contexte disparaissent alors totalement. Réduire les collections photographiques à une simple banque d’images conduit à l’affaiblissement de la valeur historique de la photographie, la reléguant à nouveau au statut de simple illustration.

Des pratiques patrimoniales analysées sous toutes leurs coutures

Les contributions sont rassemblées en quatre parties : «Becoming Collections», «Scientific Documents», «Shaped in History», «Curatorial practices».«Becoming Collections» traite de la transformation des collections photographiques lors de leur intégration dans une institution patrimoniale. Elles passent alors d’un statut d’objets privés à celui de biens publics. Cette évolution transforme les photographies, elles «deviennent» autre chose. Les quatre contributions de cette première partie traitent des effets de l’acquisition sur les archives photographiques au travers d’exemples concrets.

Dans «Scientific documents», les articles sont consacrés à des collections photographiques constituées historiquement dans un but précis. L’acte de collecter confère aux photographies une signification particulière qui disparaît si les traitements successifs n’intègrent pas le contexte d’origine. Les portraits de format «carte de visite» collectés par le fameux anthropologue Pitt-Rivers, conservée au Musée de South Kensington à Londres, sont emblématiques: individuellement, ces photographies n’ont guère d’intérêt. C’est parce qu’elles sont la trace de l’activité scientifique de Pitt-Rivers qu’elles possèdent une valeur historique élevée.

Les articles de la section «Shaped in History» présentent d’intéressantes problématiques relatives à l’utilisation de photographies aux lourdes résonnances politiques, au travers des exemples du Museo de la Revolucion, à Cuba, des vues de l’occupation allemande conservées à Jersey ou des portraits de Maoris conservés au Musée national de Nouvelle-Zélande.

De l’objet isolé à l’objet en contexte

La section «Curatorial practices» offre un beau point final à cet ouvrage, avec la question suivante: comment concilier contexte historique et valorisation d’un ensemble de photographies? Cette préoccupation a été résolue jusqu’à un certain point par les archivistes. Malgré tout, valoriser les documents d’archives sans perdre de vue le contexte d’origine reste un casse-tête pour toutes les institutions de conservation. La contribution de Damarice Amao, consacrée aux archives du photographe Eli Lotar au Centre Georges Pompidou est particulièrement instructive. Elle met en évidence l’évolution de la pratique des musées d’Art vis-à-vis de la photographie, délaissant peu à peu le sacro-saint tirage vintage pour mettre enfin en valeur les ensembles de négatifs, dont l’intérêt est justement qu’ils permettent souvent de mieux comprendre le contexte de production.

Edwards, Elizabeth, Morton Christopher (Ed.), Photographs, Museums, Collections: Between Art and Information, 2015

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Eloi Contesse

Archiviste, responsable des relations avec les communes aux Archives cantonales vaudoises.