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2017/3 Metadaten – Datenqualität

L’art de la description

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Dans un fonds d’archives, le traitement de l’image doit tenir compte d’une double problématique: la valeur légale et patrimoniale. Tout en conservant une objectivité historique, que mettre en avant et jusqu’où aller dans la description?

Dans notre travail en archives, nous sommes confrontés à diverses pièces annexes qui servent de preuves pour la police et la justice: photographies, négatifs, vidéos, cassettes audio, etc. et toutes sortes d’objets. Outre leur intérêt dans l’affaire, ils sont porteurs d’informations beaucoup plus riches.

Recherche et identification

En l’absence d’informations sur une image (principalement la date et le lieu), nous devons identifier ce qu’elle représente, et la décrire afin de favoriser son utilisation ultérieure. Une première observation de l’illustration elle-même est précieuse et nous permet de voir les éléments d’identification et ceux qui manquent. Ainsi débute une véritable enquête, la recherche du moindre détail requérant vigilance, patience, mais aussi un peu de chance. Une affiche, un clocher d’église ou une auberge sont autant d’indices pour l’identification de l’image. Ici, le village de Courtepin, vers 1946, est reconnaissable grâce à la mention «Moulin agricole» sur la façade du bâtiment.

Village de Courtepin, vers 1946, reconnaissable grâce à la mention «Moulin agricole» (image: AEF).

Lorsqu’un détail est invisible à l’œil nu, le fait d’avoir procédé à une numérisation préalable permet de l’agrandir facilement et de diffuser rapidement l’image, tout en évitant une manipulation périlleuse. Au-delà des événements particuliers illustrés dans ces documents iconographiques, ces plaques de verre, photographies et rapports photographiques aux multiples prises de vues captent l’environnement à un moment donné. Ils retranscrivent l’évolution du paysage régional et permettent la reconstitution d’une ville, d’une rue, mais surtout d’un village, ce qui est plus rare.

Le traitement de ces informations nécessite des qualifications particulières (bonnes connaissances régionales, géographiques et historiques) et un sens aiguisé de l’observation. Par mesures d’économie et de temps, toutes les institutions pratiquent une fois ou l’autre le traitement en masse des informations, souvent par du personnel auxiliaire (stagiaire, civiliste, etc.). Indispensable à l’avancée des travaux, ce procédé occasionne toutefois de petites erreurs. Il convient alors de trouver une juste mesure entre un traitement approfondi de l’image et les restrictions budgétaires.

Certaines institutions publient les images sur des sites communautaires afin d’obtenir des renseignements. Ceux-ci sont parfois très précieux, mais ils nécessitent une vérification par des spécialistes.

Importance de la description

Une description complète et détaillée aide les chercheurs à retrouver ce qu’ils souhaitent plus facilement. Cela évite aussi d’avoir des résultats ne représentant pas les critères donnés. Dans son catalogue des collections, le Musée gruérien a, par exemple, utilisé des thésaurus qui permettent de relier plusieurs images entre elles. En plus de cela, elles sont répertoriées par thématique. Lorsque nous lançons une recherche, globale ou sur ces thésaurus, l’ensemble de ces données sont triées et nous avons donc une large gamme de résultats. Autant cela s’avère précieux, autant un petit oubli ou une légère erreur peut montrer un effet négatif.

Nous avons effectué une recherche1 avec deux mots-clés: «Zermatt» et «Cervin»2.

Recherche «Zermatt» dans le catalogue du Musée gruérien.
Recherche «Cervin» dans le catalogue du Musée gruérien.

La première donne 12 résultats alors que la seconde 13. Une image du photographe Simon Glasson au Cervin n’a donc pas été décrite de la même manière. Par ailleurs, on découvre par hasard une 14e photographie de ce même Simon Glasson «à la pointe du Hörnli»3, mais qui n’apparaît pas dans les deux recherches précédentes en l’absence de thésaurus pour cette image. Cette image montre le photographe assis en face du Cervin.

«Simon Glasson à la pointe du Hörnli» dans le catalogue du Musée gruérien.

Dans ce cas, seules les personnes mentionnant le terme «Hörnli» dans le catalogue peuvent trouver cette image en l’absence d’une description contrôlée. Or, elle est révélatrice d’une erreur dans le titre même de la photographie par son auteur: en effet, le photographe ne pouvait pas se trouver au Hörnli pour la photo: la pointe et l’arête du Hörnli se trouvent en effet au pied du Cervin (celui-ci aurait donc dû être vu depuis en bas) et non en face comme ici (le Cervin étant clairement visible en arrière-plan). Par conséquent, l’auteur de la photographie devait se trouver dans la région située entre Riffelberg et le Gornergrat, en face du Cervin. Nous pouvons en conclure qu’une image mal décrite est une image «perdue» pour la personne qui la recherche. Si cela représente une exception dans les fonds du Musée gruérien, il arrive que des institutions ne contrôlent pas vraiment la description de leurs images ou vidéos et celles-ci sont trop souvent lacunaires ou inexistantes: pour ce type de documents, le titre n’est pas une donnée suffisante pour pouvoir retrouver un objet ou utiliser l’ensemble des éléments représentés sur le document4.

En Suisse, nous devons encore faire attention à la question linguistique: les moteurs de recherches spécialisés n’incluent pas forcément toutes les manières d’écrire un lieu, par exemple. Lors de la description, il serait fort utile de se référer à un thésaurus multilingue pour retrouver les différentes variantes. Dans l’exemple précédent, le Musée gruérien a inscrit l’entrée «Cervin – Cervino – Matterhorn» dans son thésaurus pour décrire une seule et même montagne. En plus de cette question linguistique, nous sommes encore confrontés aux modifications des noms de lieux (fusions de villages, lieux-dits pas clairement situés, nouvelle appellation de rues). Ainsi, la Rue Weck-Reynold est clairement indiquée sur l’image suivante, alors qu’elle se nomme aujourd’hui Avenue de l’Europe5.

Rue Weck-Reynold à Fribourg vers 1952, aujourd’hui Avenue de l’Europe (image: AEF).

Également extraite d’un dossier d’accident afin de prouver comment un conducteur est sorti de route, l’image suivante est tout aussi intéressante comme élément patrimonial: en effet la motrice n°6 des tramways fribourgeois, avec la publicité de l’époque, est clairement identifiable. Entreposée à côté de l’autoroute pendant de nombreuses années, elle a été détruite en 19966.

Motrice n°6 des tramways fribourgeois dans les archives judiciaires (image: AEF).

Or très peu de photographies subsistent de cette machine. La description de l’image permet de signaler cet élément secondaire pour sa valeur historique. Si cela n’est pas entré dans les métadonnées, l’information est alors perdue. Telle est l’importance de la description: signaler un élément secondaire pour sa valeur historique ou patrimoniale. Le défi pour l’archiviste consiste, en plus de faire des choix, à effectuer un tel travail en tenant compte du temps à disposition.

Autre exemple, ces photographies de l’intérieur d’une banque. Issue d’un dossier de brigandage, elle nous amène des indications sur l’agencement intérieur d’une banque dans les années 1970 et sur les guichets avec les différents taux d’intérêt en vigueur.

Intérieur d’une banque dans les années 1970, issue d'un dossier de brigandage (image: AEF).

Partage communautaire

Si la description est nécessaire pour faciliter la recherche, les institutions doivent de leur côté mettre en valeur leurs bases de données, les chercheurs ne sachant pas toujours où se trouvent les collections. Une solution simple est de se rattacher à une plate-forme commune7 et d’utiliser un langage standardisé de métadonnées pour permettre des recherches multibases.

Le partage d’images sur des sites communautaires représente une autre solution, soit pour valoriser nos fonds, soit pour que le public aide à la description d’une image. Ce dernier point permet d’enrichir une collection si nous contrôlons correctement les informations ainsi glanées. Nous pouvons citer ici le cas du Musée gruérien qui insère des prises de vue non-localisées dans le journal L’Ami du Musée afin que les lecteurs puissent apporter des informations pertinentes. Dans le cas où leur réponse n’est pas suffisamment documentée, une vérification s’impose alors. Cela permet d’ouvrir de nouvelles pistes.

L’archivage des données est très important, mais nous devons garder en tête, lors de ce travail, qu’une mise en valeur du fonds par le biais des métadonnées représente un intérêt supplémentaire. Il convient d’utiliser les outils modernes à disposition et d’actualiser notre manière de travailler.

Thiebaud Charles Edouard 2017

Charles-Edouard Thiébaud

Charles-Edouard Thiébaud travaille aux Archives de l’État de Fribourg (AEF) depuis 2011 et il est responsable des archives judiciaires. Il a effectué un Master en histoire moderne à l’Université de Fribourg et s’est intéressé plus particulièrement à l’histoire suisse.

Clément Aline 2017

Aline Clément

Aline Clément travaille aux Archives de l’État de Fribourg (AEF) depuis 2015 et elle est responsable des archives de la police depuis juillet 2016. Elle a effectué un Master en histoire de l’art moderne et contemporain à l’Université de Fribourg.

  • 1 Cette recherche a été effectuée le 18 juillet 2017.
  • 2 Notons qu’un des thésaurus du Musée gruérien indique la position géographique. Ainsi le Cervin est situé sur la commune de Zermatt. Dans le cas d’une recherche, nous devrions avoir soit un nombre de résultats identiques, soit un nombre plus élevé pour Zermatt dans le cas où le Cervin n’est pas visible sur chaque image. Le terme Cervin apparaît aussi dans leur thésaurus «Montagne».
  • 3 Il s’agit du nom donné à la photographie par l’auteur. Pour information, le Hörnli est un lieu-dit situé au pied du Cervin où se trouve le camp de base pour les alpinistes. Cette photographie, au contraire des autres photographies similaires, est précisément datée, mais n’a que ce titre comme description qui permette de la retrouver dans le catalogue (aucun thésaurus).
  • 4 Une comparaison osée est permise, une image sans description est un peu comme un acte de colloque inséré dans une base de données de bibliothèque avec uniquement son titre, cela ne permettra pas de retrouver l’ensemble des articles qu’il contient.
  • 5 Plus précisément, la partie allant de la gare à l’Université de Fribourg a été rebaptisée Avenue de l’Europe, tandis que le second tronçon a été maintenu sous l’appellation Avenue Weck-Reynold.
  • 6 L'amicale de fritram,«Que sont devenus les trams après la fermeture du réseau?», 30 novembre 2002 (page consultée le 18.07.2017).
  • 7 Telle que www.museums-online.ch pour les musées et les collections patrimoniales.

Abstract

La constitution d’un fonds d’archives passe par une analyse initiale et sa description afin de le documenter correctement. Pour cet exercice, il est intéressant de savoir de quelle manière nous effectuerons les recherches ensuite. Le choix du moyen de diffusion est primordial pour faire connaître les documents.

Die Bildung eines Bestands im Archiv beginnt bei der Analyse und der Beschreibung. Diese bilden die Grundlage, um den Bestand und seine Inhalte korrekt dokumentieren zu können. Für diese Tätigkeit ist es interessant und wichtig zu wissen, wie anschliessend Recherchen nach eben diesen Inhalten aussehen könnten. Die Wahl des Vermittlungsweges ist damit ausschlaggebend für die Verzeichnung von Dokumenten.