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2006/3 Erschliessung – Kernaufgabe der Archive und wichtiges Thema für die gesamte I+D-Welt

De la politique de gestion à la pratique des normes de description. De l’importance de la description et des inventaires

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C’est un exposé, comme le titre l’indique, en deux temps, le premier fixant le cadre général de la réflexion aux Archives cantonales vaudoises (désormais ACV), le second décrivant les modes opératoires en matière de description.

Le traitement des archives a un coût, et même plusieurs. Le coût de la confection, le coût de la conservation et, au besoin, de la restauration, le coût de la diffusion, le coût de la reconstitution quand les informations manquent ou sont lacunaires. En relation avec le thème d’aujourd’hui, il faut parler du coût de la description, sachant que de la qualité des inventaires dépendent la rapidité avec laquelle des informations sont retrouvées, l’efficience de la recherche documentaire.

La description documentaire et archivistique est un ensemble de méthodes concourant à un objectif principal: retrouver et exploiter les archives dans les meilleurs délais et avec la plus grande assurance. La description est une tâche cruciale pour la communauté professionnelle des archivistes; elle est un enjeu considérable de la visibilité de notre métier; elle est, selon moi, surtout une composante obligée de la gestion institutionnelle.

Avant d’être une réalité technique, voire technicienne du dispositif de gestion d’information, la description d’archives est un indicateur de la conduite institutionnelle, une composante économique du budget annuel et une contrainte, souvent assimilable à de l’équilibrisme, de choisir parmi les ressources humaines et logistiques accordées au service d’archives. Les archivistes sont d’autant plus obligés de se positionner par rapport à l’analyse documentaire, que celle-ci est sans doute la plus coûteuse et la plus complexe de la chaîne documentaire et du dispositif de l’information. Qui plus est, les archivistes sont tenus de se déterminer sur les missions qui fondent leur métier, à un moment où les pressions se font de plus en plus fortes pour qu’ils abandonnent certaines de leurs prérogatives. Parler de normes descriptives, c’est nécessairement situer l’importance que l’on accorde parmi les missions des archives à la rédaction d’inventaires. De cette articulation découle l’attention apportée à la description documentaire. A mon avis, la rédaction d’inventaires est le fondement de toute la réflexion archivistique. Elle cristallise les enjeux professionnels; fédère et justifie toutes les autres pratiques. L’inventaire est en effet la médiation entre les documents et le public. A sa réalisation et à celle, plus généralement considérée, des instruments de recherche, sont subordonnées la collecte, la consultation et la valorisation. La rédaction d’inventaires justifie les politiques de restauration et de reproduction. Sans inventaire, il n’y a pas d’archivistique; une formation d’archiviste sans enseignement sur les inventaires et un métier d’archiviste sans rédaction d’inventaires ne font pas sens. Le Code international de déontologie des archivistes fait justement référence à ces exigences professionnelles.

Les réseaux informatiques ont renouvelé les canaux de consultation et les modes d’interrogation. Ils ont obligé les archivistes à ne plus se focaliser sur les seuls enjeux institutionnels, à ne plus en faire des défenseurs de leurs intérêts sectoriels et à les sortir de leur corporatisme étroit. Mais, les réseaux informatiques ont surtout confronté les archivistes à un nombre croissant de prestations qu’ils ne connaissaient pas avec les anciens environnements de travail. Les nouvelles technologies sont devenues des valeurs étalon pour situer le degré de développement ou de maturité professionnelle des dépôts d’archives.

De mon point de vue, le développement de la réflexion archivistique ne se mesure pas à l’aune du nombre d’ordinateurs et de numériseurs possédés par une institution, mais au nombre d’inventaires et d’instruments de recherche rédigés annuellement. La vitalité d’une institution ressort de sa force à juguler les effets de masses à traiter et à les rendre disponibles auprès du public qui la sollicite.

Le recours à Internet n’est qu’une étape, assurément la plus spectaculaire, mais il ne peut se faire que si la description archivistique est effectuée préalablement, aujourd’hui dans le sens de l’harmonisation et de la normalisation des principes de description. En ce sens, la généralisation de l’informatique dans les archives a accéléré la systématisation des pratiques professionnelles, elle n’a pas créé les bases du métier d’archiviste ni n’a bouleversé les acquis de la gestion traditionnelle. Le respect des fonds, la typologie des instruments de recherche, l’indexation et la normalisation du vocabulaire descriptif ne sont pas nés avec l’informatique. Celle-ci a surtout fédéré des efforts distants, elle a aggloméré des éléments de description souvent négligés dans les instruments de recherche usuels, elle a résolu des obstacles la plupart du temps conceptuels à la compréhension des notions de respect des fonds et de hiérarchie des niveaux de classement.

Fort de ces constats, un responsable d’un dépôt d’archives doit se profiler face aux développements nombreux et diversifiés de l’archivistique, ces vingt dernières années, parmi lesquels il faut compter la description archivistique. Dans une période de fortes turbulences financières et de réduction de moyens humains dans les services d’archives, déjà dans une position fragile avant la généralisation des normes, il ne fait pas de doute que l’existence de normes en description archivistique et en records management facilite singulièrement l’exercice du métier d’archiviste.

En disposant d’un corpus doctrinal codifié et validé, l’archiviste peut s’appuyer sur des réflexions qui ont la force de la vérité, de la majorité et de la maturité professionnelles. Il peut choisir le degré de finesse du travail de description, en fonction de l’importance du fonds d’archives, des ressources disponibles et de son impact sur la recherche.

Les normes balisent désormais la pratique professionnelle, règlent les relations interinstitutionnelles et interprofessionnelles, visent à créer des instruments de recherche partagés entre institutions détentrices d’archives ou, à défaut, connectés entre elles et qui doivent rechercher des compatibilités de travail.

Deux éléments forts sont apparus avec les normes: la description à plusieurs niveaux et les liens hiérarchiques entre les composantes d’un fonds. Ces percées archivistiques favorisent la rédaction d’inventaires à géométrie variable, ou mieux exprimé, proportionnés aux besoins visés. Il ne s’agit plus de faire, comme à l’ancienne, des inventaires à la carte, abandonnés à l’appréciation des auteurs, de leurs savoirs et aux envies du moment, mais de choisir dans un dispositif cohérent et largement ouvert, des parts suffisantes pour accréditer l’inventaire et l’inscrire dans un contexte de description, reconnu par la profession.

On peut dénigrer les normes quand elles compliquent les procédures. Ce procès ne peut pas être fait aux normes descriptives, puisqu’elles facilitent les interprétations et répartissent les efforts selon l’intérêt des fonds d’archives. Il ne fait pas de doute que les normes descriptives exigent des archivistes des états de préparation supérieurs aux anciennes pratiques et des évolutions de mentalités. Mais, le fait d’investir dans des pratiques communes et combinables avec celles des autres institutions permet de combattre les risques d’isolement induits par l’abaissement des ressources et de pouvoir évoluer dans des pratiques ajustées aux possibilités de l’institution, sans qu’elles perdent de leur cohérence.

De mon point de vue, la description n’est pas seulement une tâche cruciale de l’existence des fonds d’archives, elle est surtout l’atout principal de l’existence des archivistes contre les volontés de réduire les moyens des archives. Je crois vraiment que la description doit être inscrite dans ses coûts économiques, en ressources humaines et en termes de stratégie institutionnelle, avant d’être abordée dans ses effets techniques. Nous le faisons déjà, lorsqu’avant de se lancer dans la rédaction d’un inventaire, nous rédigeons un plan de classement qui tienne compte de l’importance historique du fonds, des moyens qui peuvent être investis et du calendrier à disposition pour la réalisation. Nous avons besoin de feuilles de routes, de parcours organisés et expertisés, et de pouvoir partager des objectifs communs, compréhensibles de partout et exportables dans n’importe quelle institution.

En ce sens, la description archivistique constitue une approche malléable, adaptable et adaptée. Elle concilie les objectifs idéaux, souhaitables, réalisables et réalistes de l’institution. Son panel de potentialités en fait un thème de réflexion de gestion et de technique archivistiques, à la fois central dans nos pratiques, crucial dans nos buts et cardinal par rapport à nos employeurs.

Coutaz Gilbert 2016

Gilbert Coutaz

Gilbert Coutaz a été directeur des Archives cantonales vaudoises de 1995 à 2019. Il a présidé l’Association des archivistes suisses entre 1997 et 2001, après avoir été membre du Comité directeur de la Section des Associations professionnelles d’archivistes du Conseil international des archives entre 1992 et 2000. Pour ses mérites, l'AAS l'a nommé membre honoraire en septembre 2019.

Membre de plusieurs comités de sociétés d’histoire, il est à l’origine en 1998 de Réseau-PatrimoineS Association pour le patrimoine naturel et culturel du canton de Vaud, en 2004 de COSADOCA (Consortium de sauvetage documentaire en cas de catastrophe), et en 2011 de Mnémo-Pôle.

Entre 2006 et 2014, il a enseigné l’archivistique aux Universités de Berne et de Lausanne dans le cadre du Master of Advanced Studies in Archival, Library and Information Science (MAS ALIS). Il est notamment l’auteur de Archives en Suisse. Conserver la mémoire à l’ère numérique paru en 2016.