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2006/2 Droit d’auteur – Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (Loi sur le droit d’auteur, LDA)

Tour d’horizon du droit d’auteur dans la perspective des bibliothèques

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Les bibliothèques entretiennent une relation privilégiée avec les auteurs dans la mesure où elles leur versent des sommes importantes: en achetant des œuvres littéraires ou artistiques (livres, revues, disques, cassettes vidéo, etc.), en les copiant ou encore en les enregistrant. Tout usage d’une œuvre est en principe soumis à l’autorisation de son auteur.

Lors de photocopies ou de copies électroniques de parties de livres, la procédure d’autorisation est facilitée par l’application de tarifs. Dans ce cas, l’autorisation de l’auteur est présumée et celui qui effectue une copie verse une redevance à une société de gestion qui elle-même répartit ensuite le montant encaissé entre les auteurs. Le tarif commun 8 fixe les montants à payer pour les photocopies effectuées, le tarif commun 9 pour les copies électroniques. Enfin le tarif commun 6 règles les redevances dues en cas de location d’exemplaires d’œuvres.

Les principes généraux du droit d’auteur

Il apparaît important d’énoncer les principes généraux du droit d’auteur qui sont, en règle générale, à toutes les utilisations possibles d’une œuvre quel que soit le support sur lequel l’œuvre a été créée ou diffusée et quel que soit le support sur lequel l’œuvre est copiée (support papier ou électronique). Le droit d’auteur, actuellement en révision, est régi par la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (LDA) du 9 octobre 1992. Cette loi protège notamment les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques (art. 1 LDA).

La notion d’œuvre est définie à l’art. 2 LDA et comprend les éléments suivants:

– création de l’esprit, littéraire ou artistique et

– caractère individuel.

La loi énumère notamment les types d’œuvres suivants qui sont protégées (art. 2 al. 2 LDA): les œuvres recourant à la langue, qu’elles soient littéraires, scientifiques ou autres; les œuvres musicales et autres œuvres acoustiques; les œuvres des beaux-arts, en particulier les peintures, les sculptures et les œuvres graphiques; les œuvres à contenu scientifique ou technique; les œuvres d’architecture; les œuvres des arts appliqués; les œuvres photographiques, cinématographiques et les autres œuvres visuelles ou audio-visuelles; les œuvres chorégraphiques et les pantomimes; les programmes d’ordinateurs (logiciels).

La loi donne également une liste d’œuvres non protégées (art. 5 LDA) notamment: les lois, les ordonnances, les accords internationaux, les autres actes officiels; les décisions, les procès-verbaux et rapports qui émanent des autorités ou des administrations publiques.

L’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre (art. 6 LDA). Il a le droit exclusif sur son œuvre qui comprend notamment le droit exclusif de décider si, quand, de quelle manière et sous quel nom son œuvre sera divulguée et utilisée (art. 9 et 10 LDA).

C’est la raison pour laquelle toute utilisation de l’œuvre requiert, en principe, le consentement de l’auteur. Les droits exclusifs de l’auteur sont restreints par la loi qui en autorise l’utilisation à des fins privées (art. 19 LDA). Cet usage privé comprend notamment la reproduction d’exemplaires d’œuvres au sein des entreprises, administrations publiques, etc. à des fins d’information interne ou de documentation (art. 19 al. 1 let. c LDA). La personne qui est autorisée à reproduire des exemplaires d’une œuvre pour son usage privé peut aussi en charger un tiers; les bibliothèques qui mettent à la disposition de leurs utilisateurs un appareil pour la confection de copies sont également considérées comme tiers (art. 19 al. 2 LDA). Toutefois, en dehors de l’utilisation à des fins personnelles ou dans un cercle de personnes étroitement liées telles les parents ou les amis, la reproduction de la totalité ou de l’essentiel d’une œuvre disponible sur le marché est interdite (art. 19 al. 3 let. A LDA). En conséquence, seules les reproductions partielles sont autorisées.

Les reproductions partielles dans les entreprises, administrations, etc. éventuellement par l’entremise de bibliothèques sont soumises à rémunération. Les sociétés de gestion agréées sont seules autorisées à procéder à l’encaissement des redevances dues pour cette utilisation des œuvres (art. 20 LDA). Les sociétés de gestion établissent des tarifs en vue du recouvrement des rémunérations (art. 46 LDA). Les tarifs doivent être fixés en respectant le principe d’équité (art. 60 LDA).

Le schéma (en allemand) résume et présente sous une forme synthétique les principes généraux régissant le droit d’auteur en Suisse. Dans la suite de la présente contribution, vous trouverez un survol des principaux tarifs applicables aux bibliothèques que constituent les tarifs communs 8/II, 9/II et 6.

Le tarif commun 8/II (TC 8/II) – photocopies dans les bibliothèques

Ce tarif concerne et s’applique notamment aux bibliothèques suivantes: bibliothèques générales, cantonales, communales, municipales, populaires, universitaires, des écoles polytechniques, etc. Il prévoit trois types de redevances qui doivent être versées à la société de gestion ProLitteris:

Les redevances pour les photocopies réalisées pour l’usage privé de la bibliothèque sont fixées en fonction du nombre d’employés de la bibliothèque (chiffre 6.3 TC 8/II): elles vont de fr. 30.– pour une bibliothèque comptant de 4 à 9 employés à fr. 500.– pour une bibliothèque possédant entre 100 et 199 employés. Au delà, la redevance est calculée en fonction du nombre total de copies effectuées.

Le deuxième type de redevance est perçu pour la reproduction d’exemplaires d’œuvres effectuée par ou pour des tiers au moyen des appareils de la bibliothèque (chiffre 6.4 TC 8/II). Ces redevances se calculent à partir du total des recettes annuelles générées par ces reproductions multiplié par 3,5 centimes.

Enfin une redevance est due pour les revues de presse sur papier (compilation d’articles de journaux et/ou de périodiques) pour autant que cette revue de presse paraissent au moins quatre fois par année et soit diffusée au minimum à 20 exemplaires. Le chiffre 6.5.4 TC 8/II renseigne sur le calcul de la redevance due.

Le tarif actuel est en vigueur jusqu’au 31.12.2006. Lors des négociations relatives à sa prolongation en 2001, l’Association des bibliothèques et bibliothécaires suisses (BBS) avait donné son accord à la prolongation du tarif antérieur. Elle avait toutefois précisé qu’elle estimait que le prix de 3,5 centimes par page aurait dû être revu à la baisse car, sur la base d’une sélection – peut-être pas assez représentative – de quelque 500 ouvrages dans le VLB (Verzeichnis der lieferbaren Bücher), le prix moyen de la page se situait entre 20 et 30 centimes et le montant de la redevance n’aurait pas dû excéder le 10% du prix précité (cf. art. 60 LDA). La BBS doit exiger, à notre sens, un calcul précis du prix de la page dans le cadre des négociations en cours en vue du renouvellement du TC 8.

Le tarif commun 9/II (TC 9/II) – copies électroniques dans les bibliothèques

Le tarif commun 9 règle le prélèvement de redevances pour l’utilisation d’œuvres protégées dans les entreprises et les administrations, pour leur propre usage, au moyen du réseau informatique interne ou à partir d’Internet. Le TC 9/II prévoit également trois types de redevances à verser à ProLitteris:

En premier lieu, une redevance est due pour la reproduction d’œuvres et de prestations protégées à des fins d’information interne ou de documentation dans des réseaux numériques internes (chiffres 6.1.1 et 6.2 TC 9/II). Elle est calculée en fonction du nombre d’employés et se monte environ à 30% du montant dû en vertu du tarif 8: fr. 10.– pour une bibliothèque possédant entre 4 et 9 employés et fr. 150.– pour une bibliothèque employant entre 100 et 199 personnes.

L’utilisation d’extraits d’œuvres par des tiers, dont l’activité principale ne consiste pas en l’exploitation d’un service de presse ou de documentation (qui sont soumis à un autre tarif), doit être acquittée séparément et correspond au 30% de la redevance versée pour l’utilisation similaire selon le TC 8/II (chiffres 4.2 et 6.4 renvoyant aux chiffres 6.1.1 et 6.2 TC 9/II).

Enfin une redevance est également perçue pour les revues de presse électroniques. Le principe général introduit après coup dans le tarif est qu’une revue de presse électronique doit coûter le même prix que son équivalent sur papier. Pour tenir compte de situations initiales très variées d’une institution à l’autre, un système de tarification relativement compliqué a été introduit (cf. chiffre 6.3 TC 9/II).

Ce tarif est également en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2006 et fait l’objet de négociations entre ProLitteris d’une part et les utilisateurs de droits d’auteur d’autre part, dont la BBS.

Le tarif commun 6 (TC 6) – location d’exemplaires d’œuvres dans les bibliothèques

Seules les bibliothèques qui prélèvent un montant par acte de location et n’ont par conséquent pas recours au système de la cotisation annuelle ou de taxes administratives périodiques, sont concernées par ce tarif. Pour les supports sonores et audiovisuels, la redevance se monte à 9% du montant de la location payé par l’utilisateur pour les droits d’auteur et à 3% pour les droits voisins. Pour les livres, la redevance due est de 9% de la location payée par le lecteur. Ce tarif qui ne s’applique qu’à très peu de bibliothèques est également échu à fin 2006.

Perspectives

La mutation en cours du droit d’auteur ne va guère modifier les principes généraux actuels. La tendance actuelle du droit d’auteur sur le plan international va vers un renforcement de la protection des auteurs souvent au détriment des utilisateurs légitimes (utilisation à des fins privées). Le rôle des bibliothèques n’est généralement pas compris et les bibliothèques sont assimilées aux utilisateurs de droit d’auteur. En réalité les bibliothèques sont des intermédiaires, le plus souvent désintéressés sur le plan financier, entre les auteurs et les lecteurs. Elles effectuent un travail de promotion de la culture et de la science qui profite directement aux auteurs. C’est pourquoi auteurs et utilisateurs d’œuvres doivent lutter ensemble pour préserver les bibliothèques de taxes excessives et cumulées telles que redevances à payer sur les appareils, sur les supports de copies, sur les copies elles-mêmes et surtout sur le prêt lui-même par l’introduction d’un droit de prêt.

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Jacques Bühler

Jacques Bühler, docteur en droit, est secrétaire général suppléant du Tribunal fédéral (l’auteur s’exprime ici en son nom personnel et non en celui de son employeur), membre du groupe de travail droit d’auteur de la BIS et auteur d’articles scientifiques.